Europain, ou le challenge de traiter la douleur chronique
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- Publié le lundi 7 avril 2014 14:48

Figurant parmi les projets phare soutenus par Innovative Medicine Initiative (IMI), Europain regroupe un consortium d’institutions publiques de recherche et de sociétés pharmaceutiques autour de la compréhension des bases biologiques de la douleur chronique. Au-delà de la compréhension des modifications dans le système nerveux qui peuvent contribuer à la douleur, ce sont aujourd’hui de nouvelles pistes thérapeutiques qui s’ouvrent dans le domaine des algies, à l’appui d’approches diagnostiques novatrices fondées sur des biomarqueurs en phase d’exploration et développement.
Nous pouvons souffrir de différents types de douleurs »,
rappelle Jordi Serra, directeur scientifique à Neurosciences
Technologies, citant la douleur aigüe, la douleur arthritique,
la douleur post-chirurgicale, ou encore la douleur
neuropathique qui touche 5 % de la population. Invisible, la douleur
« chronique » s’installe pour une durée supérieure à six mois
sur une moyenne de sept ans, et concerne un adulte sur cinq en
Europe. La moitié des personnes touchées souffrent pendant plus
de 20 ans et sont, de fait, souvent amenées à arrêter leur activité
professionnelle.
Autant de types de douleurs qui dégradent la qualité de vie du
patient, représentent un coût important pour la société et correspondent
à des besoins largement insatisfaits. Et si de nombreux
traitements – sur prescription médicale ou non – contre la douleur
sont disponibles, très peu s’avèrent efficaces contre la douleur
chronique. Plusieurs génèrent en revanche des effets secondaires
indésirables, voire dangereux.
D’où l’impérieuse nécessité de développer des traitements analgésiques
adaptés spécifiquement à chaque situation de douleur
chronique. De là, le début d’une approche de médecine personnalisée,
déclinée à la pathologie douloureuse, visant à sélectionner
– à l’aide de biomarqueurs – les
patients potentiellement répondeurs
au traitement candidat.
« Les résultats qui émanent des
partenariats public-privé au sein
d’Europain témoignent non seulement
de l’excellence scientifique
mais ouvrent aussi et surtout des
perspectives d’applications dans le
développement de nouveaux traitements
de la douleur chronique »,
se réjouit le Dr Michel Goldman,
directeur exécutif de l’Imi (cf. encadré)
qui fédère quelque 4 500 scientifiques, venant des secteurs
public et privé du domaine de la santé.
Le diagnostic de la pathologie douloureuse… tout un programme !
Les chercheurs du projet Europain, piloté par la société allemande Grünenthal GmbH et le King’s College de Londres, ont pour objectif commun d’augmenter les chances pour un médicament candidat d’arriver sur le marché au service de la douleur chronique.
Le cannabis thérapeutique : premiers pas
encadrés en France
L’’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a autorisé
la mise sur le marché d’un produit contenant des dérivés
du cannabis, le Sativex. Ce médicament est destiné à un usage
bien particulier, parfaitement défini et très encadré, pour des
patients souffrant de sclérose en plaques, l’effet anti-douleur des
cannabinoïdes étant désormais démontré et reconnu.
Ce, à la
fois via l’amélioration des modèles animaux et les technologies, de
sorte que la transition entre études chez l’animal et essais cliniques
chez l’homme soit plus aisée.
Des biomarqueurs translationnels (obtenus par transcriptomique,
lipidomique, microneurographie et imagerie) sont en cours de
développement et validation chez des espèces précliniques, des
modèles de douleur expérimentaux et des patients douloureux.
« Dans nos études précliniques nous avons utilisé tout le panel
de nouvelles technologies comme
la génomique, la protéomique et le
séquençage nouvelle génération »,
explique Stephen B. McMahon,
Professeur de physiologie au King’s
College de Londres et directeur du
Consortium « Douleur » de Londres,
rapportant que celles-ci ont généré
l’identification de nouveaux médiateurs
de la douleur pouvant servir
dans le développement de médicaments
innovants. Le projet Europain
vise aussi à conduire des essais cliniques
plus efficaces et concluants :
en parallèle à une molécule active, un
placebo peut effectivement soulager
la douleur de certaines personnes. Cet
effet placebo rend alors les résultats
de l’essai confus, ce qui explique
en partie que certains médicaments
intéressants n’arrivent pas jusqu’à
leur mise sur le marché. « L’intérêt
de travailler ensemble dans un partenariat
public-privé à but non lucratif
pour analyser les données existantes
d’essais cliniques de phase III, serait
d’arriver à mieux comprendre les
causes de l’augmentation des réponses
placebo pour mieux savoir comment
réduire ces effets », déclare Märta Segerdahl, directeur médical
et coordinatrice du projet Europain au sein de Grünenthal GmbH.
Imi : 2 milliards d’euros pour les programmes
de recherche
Innovative Medicines Initiative (Imi) est la plus importante
structure de collaboration public-privé dans le domaine de la
recherche et du développement en santé au niveau mondial.
L’Union européenne contribue ainsi à un milliard d’euros par an
aux programmes de recherche engagés par l’Imi, tandis qu’au
moins un autre milliard est apporté par les sociétés adhérentes
à l’Efpia. « Les projets sélectionnés se focalisent sur les nouvelles
méthodes et nouveaux outils qui permettront d’accélérer le
développement de traitements plus efficaces et plus sûrs pour les
patients », explique le Dr Michel Goldman. L’Imi soutient ainsi
couramment une quarantaine de projets dont certains produisent
déjà des résultats majeurs, au rang desquels Europain (pour la
douleur chronique) mais aussi Pharmacog (maladie d’Alzheimer),
Newmeds (schizophrénie et dépression) et EU-Aims (autisme)
dans les pathologies neurologiques et psychiatriques. Auxquels
s’ajoutent pour d’autres pathologies : Imidia et Summit (diabètes),
U-Biopred (asthme), Predect (cancer), Predict-TB (tuberculose),
PROactive (maladie pulmonaire obstructive chronique), EMIFEMIF-
Metabolic (syndromes métaboliques) ou encore Safe-T et
Marcar (sécurité biologique), e-Tox (management des connaissances
et sécurité) et Protect (pharmacovigilance), Papp-ID (maladies
infectieuses), Stembancc (cellules souches), BTCure (arthrite
rhumatoïde), Elf (découverte de molécules), etc.
Un programme global et d’envergure internationale dans le
domaine de la santé, soutenu par les plus hautes instances.
Source : www.imi.europa.eu
De l’intérêt médical et économique des biomarqueurs
Caractéristiques objectives et mesurables d’un état de santé ou de maladie, les biomarqueurs ont pour but de sélectionner les patients les plus susceptibles de répondre à certains traitements ou de déclencher le moins d’effets secondaires. En incluant alors uniquement ces patients, parfaitement « choisis » pour entrer dans un essai clinique, ce dernier serait alors plus rapide, plus réduit, plus efficace et dès lors moins coûteux. Autant d’arguments qui évidemment motivent l’industrie pharmaceutique à encourager et soutenir la mise au point de biomarqueurs, qui apparaissent comme des alliés pour emmener de nouvelles molécules à travers les essais cliniques et jusqu’au marché. Un intérêt qui s’annonce également majeur pour l’amélioration de la qualité de vie des volontaires inclus dans les études cliniques. « Les deux grands challenges du projet Europain sont à la fois d’ordres médical et scientifique, pour trouver des biomarqueurs de la douleur spontanée, et d’ordre opérationnel, avec notamment l’intégration de toutes les données », conclut Jordi Serra, soulignant que ces données incluent les résultats d’essais cliniques et l’examen des facteurs génétiques, psychosociaux, de dépression ou d’anxiété qui peuvent augmenter le risque de développer des douleurs chroniques.
Propos recueillis à l’occasion du forum Innovative Medicine Initiative (Imi), organisé le 13 mai 2013 à Bruxelles par la Commission européenne et la Fédération européenne des industries et associations pharmaceutiques (Efpia).