Quatre biomarqueurs prédiraient le risque de mourir dans les cinq prochaines années

Recherche

Biologiste infos

Prédire le risque de mort dans les cinq ans à venir à l’aide d'une simple prise de sang pourrait paraître totalement irréel. Et pourtant, c’est ce qu’auraient découvert des chercheurs estoniens.

Par Steven DIAI, publié le 04 mars 2014

Quatre biomarqueurs prédiraient le risque de mourir dans les cinq prochaines années

Retour sur une étude parue le 25 février dans la revue Plos Medecine et relayée par le blog du Monde.fr Passeur de sciences.

Tout est parti du désir d’une équipe estonienne d’exploiter la technique de la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) pour mesurer en une fois la concentration d’une centaine de biomarqueurs dans le sang. Les chercheurs ont d’abord testé cette technique sur des échantillons de sang obtenus à partir d’une vaste cohorte estonienne de 9 842 individus âgés de 18 à 103 ans, et recrutés entre 2002 et 2011 pour différentes études. Pour ce faire, ils ont analysé 106 biomarqueurs différents dans chaque échantillon en utilisant la spectroscopie par RMN. Ils ont également examiné les dossiers médicaux de ce groupe et constaté que 508 personnes étaient mortes au cours de la période de suivi (5,4 ans en médiane), après que leur échantillon de sang ait été prélevé. Les causes de la mort étaient diverses mais il s’agissait majoritairement de maladies cardiovasculaires et de cancer.

Par une analyse statistique, les chercheurs ont examiné les liens entre les concentrations des différents biomarqueurs dans le sang et le risque de décès à court terme de la population. Ils ont constaté que les concentrations de quatre biomarqueurs (l’albumine plasmatique, l’alpha-1-glycoprotéine acide (AGP) ou orosomucoïde, les lipoprotéines de très basse densité (VLDL) et le citrate) semblaient prédire avec précision le risque de décès à court terme. Les individus situés dans la zone rouge de cet indicateur avaient 19 fois plus de risques de trépasser dans les années à venir que les personnes classées dans la zone la moins dangereuse.

Surpris de la finesse du résultat, les chercheurs estoniens ont demandé une confirmation indépendante auprès de collègues finlandais de l’Université d’Helsinki, lesquels disposaient d’une cohorte analogue à la leur. Très sceptiques quant à cette découverte, les chercheurs finlandais ont tout de même répété l’expérience sur un groupe de 7 503 personnes. Parmi elles, 176 sont mortes au cours de la période de suivi de cinq ans suivant le don de l’échantillon de sang. Sur cette base de 7 503 personnes testées, les chercheurs finlandais ont retrouvé le même cocktail prédictif de quatre « nécromarqueurs ». Une surprise pour le chercheur finlandais Markus Perola, qui reconnaît qu’il s’agit « d’un résultat plutôt extraordinaire ». Il poursuit : « Il s’agissait d’individus apparemment en bonne santé mais, à notre surprise, ces biomarqueurs ont montré une fragilité non décelée que ces personnes ignoraient avoir. »

Un résultat déstabilisant, que souligne Pierre Barthélémy dans son blog Passeurs de science : « arriver à percevoir une “fragilité” sous-jacente, un risque grave pour la santé chez des personnes “apparemment en bonne santé”, ne présentant pas le moindre symptôme d’une quelconque maladie » apparaît pour lui comme réaliser un « test de la mort ». D’autres confirmations sont nécessaires, écrit-il, « notamment parce que les cohortes étudiées sont très semblables : deux populations d’Europe du Nord ayant peu ou prou le même environnement et le même mode de vie. Il est donc nécessaire de voir si le résultat est valable pour d’autres ethnies, d’autres habitudes alimentaires, d’autres environnements. »

L’association de biomarqueurs de maladies cardiovasculaires, non vasculaires et de cancer suggère en tous cas de nouvelles connectivités systémiques entre des morbidités apparemment disparates. Le profilage de biomarqueurs permettra d’améliorer la prédiction du risque de décès à court terme pour les causes désignées par ces facteurs de risque. D’autres études sont toutefois nécessaires pour clarifier les mécanismes biologiques par lesquels vont survenir ces décès et préciser l’utilité de ces biomarqueurs pour guider les biologistes dans le dépistage et la prévention de ces maladies.

Au final, l’étude une question éthique intéressante : l’utilisation de cette panoplie de biomarqueurs à des fins de dépistage permet certes de détecter des personnes dont la santé risque de déchoir. Mais que faire si une fois le diagnostic posé, on ne sait pas identifier précisément les causes sous-jacentes de ce décès et les contrecarrer ? Comme le résume l’auteur Markus Perola, « est-ce que quelqu’un voudrait savoir le risque qu’il a de mourir s’il n’y a rien que l’on puisse faire ? »

EC

Dans la même rubrique