Bilan des JIB 2013 : vers une médicalisation de la profession

JIB 2013

Biologiste infos

La session des JIB 2013 vient de s’achever. L’occasion de dresser un bilan de cette édition et de se faire une idée des orientations scientifiques de la prochaine session des JIB 2014 avec Anne-Gaëlle Courty-Ahmed, responsable des conférences scientifiques chez Reed Exhibitions France et François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes.

Par Steven DIAI, publié le 15 janvier 2014

Bilan des JIB 2013 : vers une médicalisation de la profession

BI : Le congrès a bénéficié d’une hausse de 22 % de sa fréquentation. Comment expliquez-vous cet engouement cette année ?

AC : Par rapport à l’historique 2010-2013, c’est une énorme satisfaction pour l’augmentation de la participation sur le congrès. Les années précédentes, nous avions fait le choix d’une thématique générale pour casser un programme devenu un peu « tiroirs ». Cela a très bien fonctionné la première année car la thématique était porteuse : la biologie des cancers. Les années d’après, nous sommes repartis sur une programmation avec une thématique générale, qui s’est avérée trop conceptuelle et abstraite pour les biologistes. Les programmes qui étaient mis en place étaient intéressants mais les biologistes étaient comme transis par rapport à la réforme et les changements qu’ils devaient opérer. Cette année, nous sommes donc revenus à une programmation plus diverse, avec un contenu plus praticien, et une demande véritable sur des contenus de biologie spécialisée dans les disciplines biologiques (immunologie, hématologie, microbiologie) tout en conservant un contenu prospectif sur l’aspect équipement (nanotechnologies, spectrométrie de masse et séquençage haut débit). Et il y a eu un réel basculement, avec une participation plus importante que ce que nous pouvions attendre. Les biologistes sont revenus, réinvestissent leur métier, se projettent sur des thématiques qui les intéressent et regardent réellement l’avenir.

FB : Nous étions dans une période assez morose jusqu’à ces derniers mois. Nous sommes à la conjonction d’événements importants. La loi est définitivement ratifiée, mais il reste encore des décrets à sortir qui préciseront le rôle et la fonction du biologiste. Par ailleurs, nous sommes sortis de la nébuleuse de l’accord avec la CNAMTS, qui n’était pas évident à signer. Le comité d’organisation et le comité scientifique ont décidé de ré-axer les JIB en programmant des thèmes innovants qui soient à la fois actuels et orientés pour séduire les biologistes. Nous nous sommes aussi réorientés vers l’exercice professionnel. La venue du DPC a également été une opportunité de créer des sessions de formation. Les fournisseurs de réactifs et matériels de laboratoire ont eu des interlocuteurs de qualité. Les professionnels viennent aux JIB pour le salon, mais aussi pour s’informer, discuter, apprendre, découvrir et interagir ensemble. C’était tout l’objectif du travail réalisé depuis 2012.

BI : La présence de Marisol Touraine sur les JIB cette année révèle-t-elle, selon vous une prise en compte grandissante de la biologie médicale dans les politiques de santé ?

FB : Dans sa lettre de préambule, Marisol Touraine a prononcé des phrases qui n’étaient pas notées dans son discours officiel. Il y a bien eu une volonté de sa part de déborder le sujet, d’aller sur une Stratégie nationale de santé. La proximité pour elle, les soins de premiers recours sont importants. Nous étions notés dans la définition du Code de la Santé publique comme des professionnels effectuant le diagnostic et le suivi de pathologie. J’ai souhaité que figurent aussi les mots prévention et dépistage. Le biologiste a un rôle dans la prévention et dans la prise en charge du patient, ainsi que de conseil pour un certain nombre de pathologies. Il n’est pas simplement là pour produire un compte-rendu et une phrase au bout. Il faut placer la profession au même titre que la sage-femme, que l’infirmière, que le pharmacien et que le médecin. Aujourd’hui, nous avons encore une relation de prescrit à prescripteur mais nous avançons et nous deviendrons une profession médicale à part entière à côté de celle du médecin. Les 10 années à venir permettront de placer la biologie dans cette orbite très importante.

BI : Les JIB auront lieu l’an prochain les 8, 9 et 10 octobre 2014, ira-t-on vers un regroupement avec les biologistes hospitaliers ?

FB : À la demande des organisateurs d’Euromedlab qui aura lieu à Paris en juin 2015, nous avons avancé la date du congrès 2014. Nous avons aussi conduit une réflexion à la demande des industriels qui souhaitaient qu’il y ait un grand congrès national en France rassemblant à la fois, les JIB et le CNBH. Le congrès national des biologistes hospitaliers a eu lieu à Strasbourg cette année. Les organisateurs souhaitent le reconduire l’an prochain à Marseille. Pour 2014, nous n’avons pas trouvé les conditions qui nous permettraient de nous réunir tous ensemble pour un seul congrès. Nous avons écrit un courrier au SIDIV pour confirmer que nous étions toujours en discussion avec le SNBH pour réunir le congrès. 2015 étant bloqué par Euromedlab, ce qui est en question, c’est 2016. Le monde hospitalier de la biologie va évoluer et, comme le privé, sera atteint par une restructuration de l’offre publique. Les CHU, et c’est une de leur mission, ont un rôle dans l’innovation et la recherche, les CH doivent entrer dans un schéma global, leur inquiétude est réelle, leur présence et leur nombre est en question. Jusqu’où ira la restructuration ? Comme nous, nous avons pu l’être avec les laboratoires péri-analytiques qui sont autour de notre structure de plateaux techniques. Aujourd’hui, il y a encore des réticences au sein de ce syndicat pour associer privé et public. Mais en 2014-2015, après la restructuration du public, nous pourrons alors voir les choses autrement pour 2016.

BI : Quelles seront les thématiques et les grandes sessions à l’honneur l’an prochain ?

FB : L’Allemagne sera le pilier d’honneur aux JIB 2014. L’Allemagne, c’est le modèle auquel tous les politiques français font référence dans leur rapport. Nous souhaitons que l’Allemagne nous explique comment elle fait sa biologie. C’est l’occasion ou jamais de faire venir la sécurité sociale allemande, des médecins pour savoir ce qu’ils font comme biologie dans leur cabinet, comment évolue la biologie allemande. C’était au cœur de nos réflexions et de nos sujets. Les laboratoires allemands sont accrédités mais ils ne contrôlent pas la phase pré-analytique. Cela est intéressant pour nous car 30 à 40% des non-conformités ont lieu lors de la phase pré-analytique. Notre force en France est d’avoir cette proximité qui permet d’avoir une sécurisation totale du pré-analytique. Sur certains points fondamentaux, l’Allemagne a également pris ces dernières années des options intéressantes à discuter. Elle fait marche arrière sur la financiarisation du secteur, mais aussi sur l’externalisation des tests de dépistage. Ceux qui étaient fait par des cabinets médicaux, par les médecins en premier recours sont en train d’être rapatriés dans les laboratoires. La France est en train de prendre une certaine direction en libéralisant ces tests de dépistage, mais l’Allemagne qui avait déjà pris cette orientation-là il y a une dizaine d’années, est en train de revenir en arrière. Quel modèle veut-on ? En rendant l’accréditation obligatoire, nous avons posé de vraies questions à nos collègues européens. Dans l’autre sens, ils doivent aussi se poser des questions sur pourquoi on a choisi ce modèle-là.

AC : Au-delà de l’organisation de la biologie allemande et française, il y a des préoccupations médicales similaires aux deux pays. Le comité scientifique a montré un intérêt manifeste pour la place et le rôle du biologiste à l’ère de la génomique. Le premier acte se déclinera sans doute en une ou deux sessions avec le volet technologique, le changement dans la prise en charge des patients que cela implique, et la collaboration avec les médecins qui n’ont pas tout le savoir analytique ni la valeur ajoutée que peuvent apporter les techniques de séquençage et les techniques génomiques. Dans le volet programmation plus clinicien, les pathologies du système digestif seront déclinées en plusieurs sessions, avec un volet prospectif sur toutes les analyses de microbiote. Le troisième axe sera un volet plus métier sur l’accès à toutes les analyses de la CNAM, le rôle du biologiste et les responsabilités qu’il peut avoir dans l’amendement des prescriptions.

FB : L’enjeu des données de santé est un enjeu politique important. Le ministère s’est prononcé pour un accès gratuit à ces données pour les professionnels. Nous souhaitons qu’un certain nombre de laboratoires comme Biomnis, Cerba, Novescia ou d’autres grands réseaux créent un observatoire des données biologiques afin que nous puissions partager ces données, et que nous ayons des données fiables. Le plan triannuel est tellement serré dans sa réalisation que pour le respecter et ne pas avoir de baisse drastique, il nous faudra maîtriser ces données et voir le tendanciel sur chaque ligne d’examen.

Le dernier volet important est celui des examens actuellement non remboursables. Quelle est la partie des examens que la société peut prendre en charge, dans sa globalité ? Cela sera aussi un enjeu économique car cela bouleverse la nomenclature, les équilibres. Il faut y travailler régulièrement. Dernière chose, il y a une demande des organisations libérales de laboratoires, de groupements qui veulent témoigner de leur expérience. Comme nous donnons la parole aux industriels, pour montrer ce qu’ils font exactement et les sujets sur lesquels ils travaillent lors des ateliers, nous ferons de même avec les grands réseaux sur ce salon. Il nous faut ouvrir la porte à des organisations structurées de biologistes. L’objectif reste de mieux soigner les gens, c’est que nous ne devons jamais perdre de vue. Il y avait à dépasser les réticences internes, structurées ou non, et aujourd’hui nous sommes allés au-delà.

L’idée en France est aussi que nous poursuivions notre chemin et que nous ayons une discussion avec les anatomopathologistes, avec les radiologues. Je suis partisan d’ouvrir une conférence pour essayer de parler du diagnostic en France. Avec les anatomopathologistes, il y a des champs communs et avec les radiologues, il y a des choses qui peuvent se compléter. Nous faisons partie des professions qui peuvent apporter dans l’exercice du médecin de tous les jours les éléments qui lui permettent de conforter son orientation thérapeutique. Il nous faut voir au-delà de notre profession maintenant. Nous avons déjà dépassé le cadre de la réorganisation et de l’accréditation qui sont désormais inscrites dans la loi. Maintenant il faut se pencher sur ce que nous allons faire dans cinq ou dix ans.

Emilie CLER

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