Maladie de Kawasaki ou PIMS post-Covid ?

Un garçon de 7 ans présente des symptômes évoquant la maladie de Kawasaki. Le bilan biologique révèle qu'il s'agit d'un syndrome inflammatoire multisystémique post-Covid (PIMS).

Dr Emmanuelle Klein, biologiste médicale, laboratoire Biogroup, Clichy-la-Garenne; Dr Jacques Cheymol, pédiatre à Clichy-la-Garenne, publié le 26 avril 2022

Maladie de Kawasaki ou PIMS post-Covid ?

Louis, âgé de 7 ans et 5 mois, est amené par ses parents en consultation chez son pédiatre, le Dr Jacques Cheymol, le 26/01/22 pour fièvre prolongée, tableau digestif, éruption cutanée, chéilite et langue framboise. Celui-ci lui prescrit des examens de biologie médicale dans le cadre d’une suspicion de maladie de Kawasaki.
Cet examen biologique réalisé le 27/01 montre des résultats associés à un syndrome inflammatoire et infectieux:
– Vitesse de sédimentation (VS): 38 mm ;
– Protéine C-réactive (CRP): 137,3 mg/L.
Les leucocytes ont une valeur normale à 4,67 G/L avec des polynucléaires neutrophiles à 3,68 G/L (78,9 %) mais avec une lymphopénie à 0,51 G/L (10,9 %).
À noter, la présence d’une thrombopénie à 61 G/L, sans agrégats plaquettaires ni caillot sanguin, chez cet enfant sans antécédent médical notable. La biologie révèle également une hyponatrémie à 125 mmol/l et une hypoalbuminémie à 37,7 g/l.
Louis a été admis en réanimation à l’hôpital Necker le 27/01 suite à ses résultats de biologie. Son électrocardiogramme n’a pas montré d’anomalie et son échographie trans-thoracique (ETT) a mis en évidence une dysfonction diastolique modérée mais avec une fonction systolique préservée. Ses facteurs biologiques cardiaques sont subnormaux (Troponine IC (us) à 21 ng/L et BNP (brain natriuretic peptide) à 64 ng/L). Sur le plan hématologique, on note une absence d’anémie mais une thrombopénie à 39 G/L. L’ECBU (examen cytobactériologique des urines) et l’hémoculture sont négatifs.

Maladie de Kawasaki?

Principaux signes cliniques du syndrome inflammatoire multisystémique « Kawasaki like » lié à la Covid-19 chez 16 patients d’Île-de-France (âge médian : 10 ans). En orange : symptômes plus fréquents que dans la maladie de Kawasaki « classique ».

Le diagnostic de maladie de Kawasaki dans sa forme « classique » est avant tout clinique. La cause de cette vascularite de l’enfant n’est pas connue, mais elle résulte probablement de l’exposition à un agent étiologique ou environnemental couplée à une prédisposition génétique. Il n’existe aucun marqueur biologique inflammatoire spécifique du diagnostic. Les critères biologiques classiques sont l’augmentation de la VS, de la CRP, des leucocytes, des plaquettes, ainsi qu’une anémie de type inflammatoire et une hypoalbuminémie. Or, dans le cas de Louis, la thrombopénie et l’absence d’hyperleucocytose ne correspondent pas avec le tableau biologique attendu dans le contexte de suspicion de maladie de Kawasaki. Les parents rapportent la notion de thrombopénie familiale, pathologie qui pourrait être liée génétiquement à d’autres maladies hématologiques. Mais des bilans réalisés en 2014 et 2018 affichent des valeurs normales de plaquettes pour Louis, ce qui conduit à écarter cette hypothèse diagnostique1.

Recherche d’une étiologie infectieuse

Les sérologies Parvovirus B19 et EBV (virus d’Epstein-Barr) sont négatives.
La sérologie anti-SARS-CoV2 par technique d’électroluminescence de détermination quantitative des anticorps dirigés contre le récepteur RBD de la protéine Spike est positive avec un titre à 237 U/ml chez cet enfant non vacciné. À noter que la lymphopénie est compatible avec la Covid-19 et la notion de contage familial car la sœur de Louis a eu une PCR Covid positive un mois auparavant.

Syndrome PIMS

Le PIMS est une nouvelle entité de maladie inflammatoire systémique chez l’enfant apparue dans le contexte épidémique de l’infection à SARS-CoV-2 en 2020 (lire Biologiste infos n°116, p.20- 21). Les mécanismes physiopathologiques sont mal connus et l’hypothèse d’une réponse immunitaire inadaptée impliquant notamment les cytokines est décrite dans la littérature2.
Il s’agit d’une pathologie rare en France. Entre le 02/03/2020 et le 23/01/2022, 932 cas de PIMS ont été signalés à Santé publique France, dont 849 en lien avec la Covid-19. En France, l’incidence cumulée des PIMS en relation avec la Covid-19 a été estimée à 5,9 cas pour 100000 habitants dans la population de moins de 18 ans. Parmi les 849 cas en lien avec la Covid, les PIMS étaient associés à une myocardite pour 601 cas (66 %)3.
Certains symptômes de ce syndrome ressemblent à ceux de la maladie de Kawasaki, avec une note inflammatoire et myocardique plus marquée (lire encadré et voir figure)4.
La Société française de pédiatrie et le Comité de pilotage du groupe Copil Covid inflammation pédiatrique ont mis en place, dès le 30/04/2020, une fiche de signalement, un protocole de collecte de données cliniques et d’explorations complémentaires (application “voozanoo” et site voozanoo.santepubliquefrance.fr), et une fiche d’évaluation à 6±1 mois de l’évolution d’une infection à SARS-CoV-2 chez les enfants ayant présenté un PIMS5 .
Dans le cas de Louis, le traitement mis en place est basé sur la réalisation de deux cures d’IgIV (immunoglobuline humaine normale intraveineuse) les 28 et 29/01/2022, et l’introduction d’une corticothérapie à 2 mg/kg/j à partir du 28/01. L’évolution est favorable ce qui permet la sortie de Louis avec du Solupred per os avec décroissance progressive, ainsi que de l’Aspegic car ses plaquettes se sont normalisées à 168 G/L le jour de sa sortie, le 31 janvier.

Les critères du PIMS selon l’OMS2, 6

Enfants et adolescents (≤ 19 ans) présentant une fièvre > 3 jours ET deux des éléments suivants :
• Éruption cutanée ou conjonctivite bilatérale non purulente ou signes d’inflammation cutanéomuqueuse (buccale, mains ou pieds);
• Hypotension ou choc ;
• Caractéristiques d’un dysfonctionnement du myocarde, d’une péricardite, d’une atteinte valvulaire ou d’anomalies coronariennes (y compris des résultats électrocardiographiques ou une augmentation de la troponine/NT-pro BNP);
• Preuve de coagulopathie (allongement TP, TCA, augmentation D-dimères);
• Symptômes gastro-intestinaux aigus (diarrhée, vomissements ou douleurs abdominales);
ET des marqueurs d’inflammation élevés (VS, CRP, PCT);
ET aucune autre cause microbienne évidente d’inflammation, y compris septicémie bactérienne ou syndrome de choc staphylococcique ou streptococcique;
ET une preuve de la présence de Covid-19 ou contact probable
avec des patients atteints.

Références
1. Diagnostique d’une thrombopénie. Hematocell.fr. décembre 2011.
2. Réponse rapide dans le cadre de la Covid-19: Repérage et prise en charge du syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (PIMS) postinfectieux. HAS. Juillet 2021, mise à jour en février 2022.
3. Surveillance des cas de syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique (PIMS ou MIS-C). Bilan au 27 janvier 2022, Santé publique France.
4. Pouletty et al.,Ann Rheum Dis, 2020 Aug; 79(8): 999-1006
5. https://gfrup.sfpediatrie.com/ actualites/covid-19prise-encharge-pims-0
6. Multisystem inflammatory syndrome in children and adolescents temporally related to Covid-19, Scientific Brief, 15 May 2020, WHO.