Traitement par transfert de microbiote fécal des infections récidivantes à Clostridium difficile

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L’Académie nationale de pharmacie et son Groupe de travail « Transfert de flore » du Projet Santé-environnement ont adapté de nouvelles recommandations concernant le traitement par transfert de microbiote fécal des infections récidivantes à Clostridium difficile.

Par Steven DIAI, publié le 11 février 2015

Traitement par transfert de microbiote fécal des infections récidivantes à Clostridium difficile

Les infections récidivantes à Clostridium difficile constituent un problème de santé publique, du fait d’échecs fréquents des antibiothérapies conventionnelles chez les patients atteints. Au cours de ces infections apparait une modification de la composition du microbiote fécal, caractérisée par une diminution du nombre de gènes bactériens et d’espèces microbiennes (dysbiose).

Sur le plan international, la littérature confirme de manière croissante le succès du traitement des infections récidivantes à C. difficile par le transfert de microbiote fécal (TMF) venant d’un donneur sain, tout en sachant que les préparations effectuées en vue du TMF relèvent en France de la qualification de médicament (L. 5111-1 CSP), et, en l’absence de spécialité disponible et adaptée, du cadre des préparations magistrales et hospitalières (art. L. 5121-1 CSP) à titre dérogatoire.

L’Académie de Pharmacie précise cependant que « le microbiote transféré n’étant ni caractérisable ni évaluable, il ne peut donc relever de la catégorie des médicaments biologiques au sens du Code de la Santé Publique (L. 5121-1-14° CSP), mais qu’il relève plutôt « de la qualification transitoire de médicament biologique sui generis ».

Selon les circonstances, la préparation du TMF par un pharmacien d’une pharmacie à usage intérieur (PUI) peut faire appel à une sous-traitance formalisée du recueil, contrôle et traitement de la matière première par une autre PUI autorisée ou par des biologistes médicaux. Le lot est ensuite libéré sous l’autorité du pharmacien, que ce dernier ait intégralement préparé le TMF lui-même, ou qu’il ait utilisé à cette fin une matière première traitée dans les conditions précitées.

Sachant que ce médicament est de composition complexe et variable selon les dons, qu’il comporte un éventuel risque pathogène qui impose de garantir la sécurité du receveur par une procédure contrôlée ; que sous réserve d’une autorisation par l’Agence Régionale de Santé, les pharmaciens hospitaliers exerçant au sein d’une Pharmacie à Usage Intérieur (PUI), sont tenus de préparer le TMF dans des locaux adaptés et en conformité avec des bonnes pratiques nécessitant d’être complétées par des dispositions spécifiques ; l’Académie nationale de Pharmacie recommande :

1 – en ce qui concerne la qualification du don en vue du TMF que :

– un questionnaire, et le cas échéant un examen clinique, soient pratiqués permettant de contribuer à la sécurisation du don ;

– cette procédure soit standardisée au plan national ;

– les contrôles macroscopique, microscopique, biochimique et microbiologique soient déterminés et hiérarchisés en vue de l’élimination des risques pathogènes connus.

2 – en ce qui concerne la préparation à administrer que :

– un guide des bonnes pratiques de préparation spécifiques soit élaboré en prenant en compte notamment : le recueil, le traitement et la formulation de la matière première, ainsi que le contrôle microbiologique du don ;

– l’éventualité d’une sous-traitance du traitement, de la formulation et du contrôle de la matière première soit formalisée par un service de pharmacie hospitalière ou de biologie médicale selon l’organisation hospitalière et les besoins cliniques.

3 – en ce qui concerne l’information du patient que :

– la réflexion sur la sémantique à utiliser, les explications à donner et le consentement à recueillir soient approfondis.

4 – en ce qui concerne l’imputabilité d’effets secondaires éventuels que :

– la traçabilité du don soit assurée au moyen ;

– de fichiers permettant de conserver la mémoire des prélèvements et des dons effectués dans le cadre du TMF (pendant dix ans) ;

– d’échantillothèques assurant la conservation à moins 80°C des fèces et de la préparation utilisée pour le TMF (pendant 3 ans) par les équipes ayant effectué la préparation ou par une bio-banque dédiée ;

– un registre national voire européen des différents TMF réalisés par les équipes médicales, soit mis en place tant dans les cas d’infections récidivantes à C. difficile que pour d’autres applications en recherche biomédicale ;

– un réseau coopératif national, européen et international de retour d’expériences et de surveillance soit structuré en vue d’évaluer les bénéfices et les risques du TMF.

5 -en ce qui concerne la recherche biomédicale que :

– ces recommandations soient préconisées par les Agences de santé à l’occasion d’autorisation du TMF au titre de médicament expérimental (L. 5121-1-1 CSP) pour le traitement de maladies d’expression intestinale ou non ;

– des travaux soient entrepris :

• pour aménager les protocoles, notamment en vue de réduire le délai entre le recueil de la selle du donneur et l’administration au receveur en situation d’urgence clinique ;

• pour la compréhension du mécanisme d’action de tout ou partie de l’écosystème transféré, de façon à déterminer l’activité thérapeutique et les meilleures conditions d’efficacité et de sécurité d’emploi.

La rédaction