Instaurer une nouvelle dynamique dans la recherche clinique

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L’Association française des entreprises de la recherche clinique et épidémiologique (AFCROs) organisait, le 30 janvier 2014 dernier, la troisième journée de la Recherche clinique.

Par Steven DIAI, publié le 03 février 2014

Instaurer une nouvelle dynamique dans la recherche clinique

L’occasion de rappeler le recul important du nombre de recherches cliniques effectuées en France.

« Aujourd’hui la France ne participe plus ou est exclue de 2/3 des essais cliniques européens ; en moins de trois ans, elle est passée 2e au 5e rang mondial pour la part de sa population incluse dans des essais ! », déplore Denis Comet, président de l’AFCROs, l’association organisatrice de cette journée. « Le nombre d’essais cliniques réalisés sur le médicament a été divisé par 2 en moins de 10 ans », poursuit-il.

L’association propose aujourd’hui une série de 7 mesures « à budget limité afin de modifier la place de la France dans la recherche clinique et de la repositionner en tête du peloton européen » :

  • Créer un guichet réglementaire unique et dématérialisé pour l’approbation des essais cliniques, afin de réduire la trop grande complexité administrative qui entraîne des pertes de temps considérables dans l’approbation des essais cliniques en France ;
  • Finaliser une convention hospitalière unique et globale regroupant tous les aspects de la recherche clinique, afin d’accélérer le démarrage des essais cliniques en France ;
  • Créer un site internet unique de référencement et d’information pour faciliter le travail administratif des médecins investigateurs ;
  • Valoriser la recherche clinique auprès des médecins et des patients en insistant sur le fait qu’elle contribue à sauver des vies et à faire progresser la médecine ;
  • Créer un ‘tiers de transparence’ à la recherche clinique sur le modèle du commissaire aux comptes ;
  • Imposer une relocalisation européenne partielle de la recherche clinique et épidémiologique en imposant un minimum de 50 % de patients issus de l’Union européenne pour chaque essai clinique ;
  • Unifier le taux du crédit d’impôt recherche à un taux intermédiaire de 40 %, entre le secteur public et le secteur privé (CIR de 60 % versus 30 % actuellement), afin d’éviter des distorsions de concurrence.

Le baromètre de la performance de la recherche clinique française

En France, les délais pour réaliser les essais cliniques, souvent très longs, découragent les industriels pour qui la disponibilité de résultats à court terme est vitale. Pour en avoir le cœur net et pouvoir se prévaloir d’un comparatif entre pays, l’AFCROs a mis en place un baromètre de performance de la recherche clinique. Un bien grand mot puisqu’il est basé pour l’instant sur deux paramètres : le délai de mise en œuvre d’un essai (qui dépend du délai des autorisations réglementaires et de celui des validations de contrats avec les médecins, les centres, les hôpitaux et l’avis du CNOM) et le délai entre le premier dépôt réglementaire d’une demande d’essai clinique et le premier patient inclus de manière effective dans cet essai. Pourtant, les résultats de ces études factuelles sont frappants : le premier délai (1er dépôt-1er centre) est de 174 jours en moyenne dont 110 à 120 jours pour la validation du contrat avec le médecin et avec l’hôpital contre 2 jours pour l’Angleterre et 9 jours pour l’Allemagne ! Quant au second délai (1er dépôt-1er patient), il est de 203 jours en moyenne, similaire à celui des autres pays voisins. « Ce sont les délais administratifs qui restent trop longs », regrette le Dr Michel Levy de l’AFCROs, « la réglementation a augmenté et le système est verrouillé, ce qui est dommageable pour la recherche clinique française ». L’AFCROs espère ainsi beaucoup de la parution des décrets d’application de la loi Jardé et du règlement européen, qui devraient réduire ces délais, et ouvrir les bases de données françaises à la recherche clinique.

La loi Jardé et le règlement européen

Voilà plus d’un an que la loi Jardé du 5 mars 2012 relative aux recherches applicables à la personne a été publiée au Journal Officiel sans que ses décrets d’application ne soient instaurés, retardant ainsi l’entrée en vigueur du nouveau cadre juridique relatif aux essais cliniques.

Car dans le même temps, la Commission européenne a publié en juillet 2012 une proposition de règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain, qui devrait prévaloir sur tous les autres textes de lois. Ce règlement qui abroge et remplace la Directive 2001/20/CE, devrait en effet s’appliquer directement à tous les Etats membres et favoriser ainsi une harmonisation du régime juridique des essais cliniques dans l’UE.

Or, le champ d’application de la loi Jardé est bien plus large que celui de la proposition de règlement européen, les exigences en matière de protection des chercheurs sont différentes et certaines imprécisions concernant la mise en œuvre des procédures d’autorisation nationales et communautaires restent à éclaircir. La coordination de ces deux textes s’avère donc compliquée en l’état. En cas de divergence avec la loi Jardé, ce sont les dispositions du règlement européen qui s’appliqueront en France.

Approuvé par les Etats membres de l’Union européenne le 20 décembre 2013, à la suite d’une négociation entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil, le texte de compromis du règlement devrait être voté en plénière au Parlement européen très prochainement (2 avril 2014). Il serait alors directement applicable et obligatoire dans tous ses éléments vingt jours après sa publication au Journal Officiel de l’Union européenne. « Les décrets de la loi Jardet sont donc probablement en attente de ce règlement pour une mise en conformité, et devraient donc voir le jour avant la fin de l’année », espère l’AFCROs. « Nous avons ainsi l’espoir de passer des six mois actuellement requis pour la mise en œuvre d’un essai clinique en France à 2 à 3 mois », a indiqué Demis Comet.

En attendant, tous les membres de l’AFCROs ne jurent que par un seul slogan : « Avancez et la réglementation suivra  ! »

Emilie CLER