Réflexions sur une politique de dépistage systématique de l’hépatite C

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À l’occasion de la 7e conférence sur les hépatites à Paris, les Pr Marcellin, Dhumeaux et Schinazi ont rappelé l’importance d’une politique de dépistage efficace pour l’hépatite C.

Par Steven DIAI, publié le 14 janvier 2014

Réflexions sur une politique de dépistage systématique de l’hépatite C

Aujourd’hui, 300 000 personnes en France sont atteintes par l’hépatite C. « Une maladie silencieuse, qui fait que les patients porteurs ne ressentent rien ou presque (fatigue) avant plusieurs années », explique le Pr Marcellin, hépatologue à l’hôpital Beaujon (Paris), un des 30 pôles de référence pour l’hépatite C. « Une maladie qui dure pourtant des dizaines d’années et dont les complications sont mortelles. 3 500 personnes meurent chaque année de complications liées à l’hépatite C, cirrhose, cancer du foie mais aussi transplantation hépatique. Un chiffre qui dépasse désormais le nombre d’accidentés de la route chaque année », souligne le Pr Marcellin.

Et si ces 15 dernières années, la France s’est montrée pionnière dans le domaine de l’hépatologie, avec la création de pôles, de centres de référence et de réseaux spécialisés dans les hépatites, aujourd’hui, seuls 2/3 des patients infectés sont dépistés. « Un réservoir de malades qui est en cours d’augmentation, avec l’immigration notamment », poursuit le Pr Marcellin, qui insiste pour qu’une politique de dépistage systématique soit mise en place. « Nous avons réalisé le dépistage des patients avec des facteurs de risque et nous sommes arrivés à la limite de cette stratégie. » 100 000 personnes ignorent encore qu’elles sont atteintes d’hépatite C. Or, « plusieurs études ont montré la coût-efficacité à moyen et à long terme d’un dépistage de l’hépatite C et une amélioration de la qualité de vie des malades non dépistés qui souffrent souvent de fatigue, de diabète, de dépression et de troubles métaboliques », renchérit le Pr Dhumeaux, hépatologue au CHU Henri Mondor et président du Comité national du Plan de lutte contre les hépatites B et C (2009-2012).

Arrivée de deux nouveaux antiviraux

« Mais il ne suffit pas de dépister et de diagnostiquer de nouveaux patients, il faut les prendre en charge par des structures spécialisées. Il y a cinq ans, le taux de guérison de l’hépatite C était de 5 %, aujourd’hui il est de 70 à 80 % », souligne le Pr Marcellin. Un taux de guérison qui ne cesse de s’accroître avec les nouveaux traitements et qui devrait atteindre les 90 à 100 % avec les deux nouveaux antiviraux en cours d’essais cliniques : le sofosbuvir, inhibiteur nucléotidique de la polymérase NS5B et le siméprévir, inhibiteur de deuxième génération de la protéase NS3/4A du VHC. Ces deux molécules pangénotypiques de traitement de l’hépatite C permettront de guérir davantage de patients que ne le font l’interféron et la ribavirine, induiront moins d’effets secondaires et seront prodiguées sur 12 semaines seulement. Elles devraient apparaître sur le marché français en 2015. « D’un point de vue historique, c’est un progrès majeur, explique le Pr Raymond Schinazi, directeur du centre de recherche sur le sida et les hépatites virales à Atlanta. Le virus de l’hépatite C a été découvert en 1989 ; 25 seulement se sont écoulés entre la découverte et la guérison. Les médicaments à venir auront une faible toxicité, pourront rendre indétectable la charge virale en deux à trois semaines et être pris en une seule pilule. »

« Aujourd’hui, nous avons les moyens de guérir la grande majorité des malades. Encore faut-il pouvoir les diagnostiquer et qu’ils aient accès aux traitements », renchérit le Pr Marcellin. « Avec 90 % de guérison contrôlée pour le virus de l’hépatite B et 100 % de contrôle pour l’hépatite C, c’est une perte de chance pour les patients de ne pas être dépistés », indique le Pr Dhumeaux, chargé d’un rapport de recommandations pour la prise en charge des hépatites B et C. « Nous attendons un soutien fort du ministère de la Santé pour ce programme. Car nous pouvons viser à éradiquer les hépatites si nous nous y prenons bien. » Ce rapport d’experts sera rédigé sous l’égide de l’ANRS et de l’Association française pour l’étude du foie et définira des programmes de lutte. Il sera actualisé tous les six mois.

Un traitement coûteux

« Les patients sont dans l’attente de nouvelles thérapies », a déclaré Eric Merlet, directeur de SOS Hépatites-Fédération, « mais sont angoissés sur les enjeux économiques autour de ces traitements et craignent que l’accessibilité ne soit pas au mieux de leurs besoins. » Le traitement de l’hépatite C avec ces nouvelles molécules coûterait en effet deux fois plus cher que le traitement actuel, selon le Pr Dhumeaux, soit environ 80 000 à 90 000 euros par cure. « Mais il faut prendre en compte le taux de guérison de 90 % et un temps de traitement raccourci avec ces nouvelles molécules », a-t-il indiqué. « Et sans traitement, il faut compter 200 000 dollars (146 160 euros) pour une transplantation hépatique suite à cancer du foie », a renchéri le Pr Schinazi.

À l’heure actuelle, il n’existe pas de marqueur immunologique ou viral chez les personnes asymptomatiques atteintes par l’hépatite C. Mais des marqueurs de fibrose existent. La priorité de traitement avec ces nouvelles molécules devrait donc aller aux patients aux stades 3 et 4 de fibrose, afin de prévenir la cirrhose et le cancer du foie et d’éviter la transplantation hépatique. Et ces nouvelles molécules seront dans un premier temps associées avec de l’interféron ou de la ribavirine. Les autorités de tutelle et l’industrie pharmaceutique travailleront prochainement à l’accessibilité de ces traitements dans les pays en voie de développement.

Emilie CLER

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