Recherche sur l'embryon et sur les cellules souches : de la dérogation à un régime d'autorisation encadré

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La recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires est désormais autorisée sous certaines conditions, selon la décision n°2013-674 DC du 1er août 2013, parue ce mercredi au Journal officiel.

Par Steven DIAI, publié le 09 août 2013

Recherche sur l’embryon et sur les cellules souches : de la dérogation à un régime d’autorisation encadré

Issu d’une proposition de loi déposée par les sénateurs de gauche (groupe RDSE) le 1er juin 2012, le texte de cette décision qui comporte un seul article, a été adopté définitivement le 16 juillet par le Parlement et validé le 1er août par le Conseil constitutionnel.

Cette décision modifie la loi n°2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique qui prévoyait l’interdiction de « la recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches » à défaut de dérogation. Un protocole de recherche sur ce matériel embryonnaire ne pouvait alors être autorisé par dérogation que si les conditions suivantes étaient réunies : « si la pertinence scientifique de la recherche était établie » ; si la recherche était « susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs », si celle-ci ne pouvait être menée « sans recourir à des embryons humains, à des cellules souches embryonnaires ou à des lignées de cellules souches » et si « le projet et ses conditions de mise en œuvre respectaient les principes éthiques relatifs à la recherche ».

Le nouveau dispositif lève l’interdiction posée précédemment et précise « qu’aucune recherche sur l’embryon humain ou sur les cellules souches embryonnaires ne peut être entreprise sans autorisation ». Il conserve les quatre conditions cumulatives d’autorisation du protocole de recherche, maintenant la première et la quatrième clauses telles quelles mais modifiant les clauses 2 et 3. Dans la clause 2, plutôt que de permettre « des progrès médicaux majeurs », la recherche « fondamentale ou appliquée » doit désormais répondre à « une finalité médicale ». Dans la clause 3, plutôt que de « devoir établir expressément » qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté sans cette recherche sur l’embryon humain, le nouveau texte précise que l’autorisation ne peut être accordée, « en l’état des connaissances scientifiques », que si la recherche ne peut avoir lieu « sans recourir à des embryons ou des cellules souches embryonnaires ».

Saisine du Conseil constitutionnel du 18 juillet 2013

Plus de soixante députés ont émis un recours dirigé contre la loi, demandant à « faire précéder tout projet de réforme sur les problèmes éthiques d’un débat public sous la forme d’états généraux. » Le gouvernement a toutefois souligné que cette disposition n’avait « qu’une valeur législative » et ne dérivait « ni d’un principe ni d’une exigence de rang constitutionnel ».

Les auteurs du recours avaient également estimé que le dispositif portait « atteinte au principe général de protection de la vie humaine prénatale, composante de la protection de la vie humaine ». Or, le gouvernement a rappelé que « le principe de protection de la vie dès la fécondation ou de protection de la vie humaine prénatale » n’avait pas été retenu par le Conseil constitutionnel. A la question de savoir si un éventuel « droit à la vie de la personne humaine humaine » pouvait s’appliquer en vue de contester une interruption volontaire de grossesse ou l’usage d’une contraception, le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs répondu, lors d’une autre saisine, le 27 juin 2001, qu’il n’existait « aucune reconnaissance de ce qu’un embryon ou un fœtus puisse être considéré comme une personne humaine disposant d’un droit protégé à ce titre par la Constitution ».

Le gouvernement a rappelé que « seul le principe de dignité a un rang constitutionnel ». A ce titre, la question opérante était donc de savoir « si la loi déférée apporte les mêmes garanties permettant de concilier l’exigence constitutionnelle de respect de la dignité de la personne humaine avec les objectifs poursuivis, notamment l’intérêt de la recherche ». « Tel est bien le cas », a statué le gouvernement, du fait des quatre clauses préalables à cette recherche (citées ci-dessus).

Il a par ailleurs rappelé que « des recherches sur l’embryon ou sur les cellules souches embryonnaires ne peuvent être conduites qu’à la condition que les embryons n’aient pas été conçus pour la recherche mais pour un projet parental, que le couple ait donné son consentement express et éclairé, et que soient cumulativement respectées de strictes conditions d’autorisation ». Ce consentement doit être confirmé après un délai de réflexion de trois mois et est révocable sans motif tant que les recherches n’ont pas commencé. Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent pas être transférés à des fins de gestation.

Le gouvernement a enfin souligné que la réglementation prévoyait le contrôle de la faisabilité du protocole et de la pérennité de l’organisme et de l’équipe de recherche, la pertinence scientifique de leurs recherches étant appréciée par un collège d’experts de l’Agence de la biomédecine puis par le conseil d’orientation de l’Agence, composé de personnalités non scientifiques. Leur décision est ensuite transmise aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui disposent d’un délai d’un mois pour demander conjointement un nouvel examen du dossier, « en cas de doutes sur le respect des principes éthiques ou sur la pertinence scientifique du protocole » ou au nom de « l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique ».

Au final, le gouvernement a estimé que le recours dirigé contre cette nouvelle loi devait être rejeté. La loi promulguée est donc en vigueur depuis sa publication au Journal officiel, le 7 août 2013.

E.C.

Source : Journal officiel du 7 août 2013, textes 2, 3 et 4

E.C.

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