Le suivi biologique des patients est coût-efficace sous certaines conditions de prix

VIH et pays du Sud Biologiste infos PARIS, 2 mai 2013 – Dans les pays à faibles revenus, le suivi biologique des patients infectés par le VIH n’était pas coût-efficace en 2006, mais il pourrait le devenir si un test générique était utilisé, selon une étude publiée par l’équipe du Dr Sylvie Boyer de l’Université […]

Par Steven DIAI, publié le 02 mai 2013

Le suivi biologique des patients est coût-efficace sous certaines conditions de prix

VIH et pays du Sud

Biologiste infos

PARIS, 2 mai 2013 – Dans les pays à faibles revenus, le suivi biologique des patients infectés par le VIH n’était pas coût-efficace en 2006, mais il pourrait le devenir si un test générique était utilisé, selon une étude publiée par l’équipe du Dr Sylvie Boyer de l’Université d’Aix-Marseille dans The Lancet Infectious Diseases.

Le suivi biologique des patients infectés par le VIH et sous traitement antirétroviral s’effectue dans les pays du Nord par des mesures régulières de la charge virale du VIH et des lymphocytes CD4.

Dans les pays du Sud, l’utilisation de la surveillance en laboratoire des patients recevant un traitement antirétroviral (ART) reste controversé en raison de contraintes financières persistantes.

Selon un communiqué de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande aujourd’hui de pratiquer ce suivi biologique dans les pays du Sud “quand cela est possible“. Toutefois, le contexte actuel de baisse des financements internationaux alloués à la lutte contre le VIH/sida et de durcissement des contraintes budgétaires auxquels font face les pays à faibles ressources, en limite sérieusement les possibilités de réalisation.

Dans ce contexte, de vifs débats tendent à opposer deux camps : d’un côté, des partisans d’un suivi clinique exclusif visant ainsi à minimiser les coûts et à faciliter l’accès aux traitements du plus grand nombre de patients. De l’autre, les défenseurs d’un suivi biologique continu visant à améliorer la qualité de la prise en charge des patients sous traitement et à rétablir un standard de soins équitable entre pays du Nord et du Sud.

L’essai Stratall ANRS /ESTHER a été conduit sur 459 patients entre mai 2006 et avril 2010 dans neuf hôpitaux de district ruraux au Cameroun. Il a été réalisé par des équipes de chercheurs camerounais (Hôpital Central de Yaoundé, Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales de Yaoundé et laboratoire IMPM/CREMER/IRD), et français (de l’Institut de recherche pour le développement (UMI 233) et de l’Inserm/IRD/Aix Marseille Université (Unité mixte de recherche 912).

« Cet essai visait à comparer des patients bénéficiant d’un suivi clinique exclusif trimestriel à des patients ayant en plus un suivi biologique incluant des mesures de la charge virale du VIH et des CD4 à l’initiation du traitement puis tous les six mois », explique le Dr Christian Laurent de l’IRD (UMI 233), coordinateur.

L’évaluation économique associée à cet essai Stratall ANRS/ESTHER dont les résultats sont publiés dans The Lancet Infectious Diseases online http://www.thelancet.com/journals/lancetid/article/PIIS1473-3099(13)70073-2/abstract apporte des éléments déterminants pour aider à trancher ce débat.

L’étude envisageait deux scénarios de coûts (incluant les consommables, le personnel et les équipements) dans laquelle les tests de charge virale et de numération des CD4 coûtent soit 95 US $ (scénario 1; Abbott RealTime HIV-1 essai) ou 63 $ (scénario 2; test générique Biocentric développés par l’ANRS).

Selon cette étude, le suivi biologique deviendrait coût-efficace au Cameroun selon le critère recommandé par l’OMS (coût par année de vie gagnée inférieur à trois fois le PIB par habitant) dès lors que le prix des tests de la charge virale et du comptage des CD4 est inférieur à 69 $. Cela signifie qu’un pays comme le Cameroun dont le PIB par habitant est d’environ 1 200 $, dispose du niveau de richesse suffisant qui lui permettrait de financer, en théorie, une stratégie de suivi biologique pour ses patients vivant avec le VIH et sous traitement.

Le Professeur Eric Delaporte (IRD/Université Montpellier 1, UMI 233), co-auteur de l’article, commente ces résultats : « depuis 2010, des baisses importantes de prix des réactifs des tests de charge virale ont été observées au Cameroun. Ces prix oscillent aujourd’hui entre 15 et 20 $, ce qui suggère qu’une augmentation de la demande contribue bien à faire baisser les prix de ces tests ».

Et le Professeur Jean-Paul Moatti, directeur de l’Unité mixte 912 (Inserm/IRD/ Aix-Marseille Université) et coordinateur de cette évaluation économique, de renchérir dans un communiqué de l’ANRS : « La poursuite de la baisse des prix est nécessaire de façon à rendre le suivi biologique accessible financièrement dans les pays à faibles ressources. Plutôt que de renoncer à mettre à disposition un suivi adéquat pour les  patients du Sud sous prétexte de non rentabilité économique, il faut plutôt créer les conditions pour rendre celui-ci coût-efficace. Cela passe notamment par le développement de nouvelles technologies bon marché (de type « point of care ») qui ne nécessitent pas un équipement lourd de laboratoire et une formation spécialisée et qui sont donc faciles d’utilisation en milieu rural ».

Le suivi biologique des patients infectés par le VIH dans les pays du Sud, semble donc envisageable, sous certaines conditions de prix. Il permettrait d’identifier plus précocement des personnes en échec thérapeutique dont l’état nécessite un changement de traitement.

E.C.

Source : The Lancet Infectious Diseases

Crédit photo : © Zenman-Wikimedia

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