Comment faire face à la demande croissante d’autoprescription ?

La demande d’examens en autoprescription a progressé de 33% entre 2018 et 2019 selon une enquête menée par le réseau de biologistes indépendants Biogroup sur un échantillon de 150 laboratoires. Quel est le profil des patients demandeurs ? Comment les biologistes peuvent-ils répondre à cette demande ?

Publié le 07 février 2020

Comment faire face à la demande croissante d’autoprescription ?

Les personnes de 20 à 40 ans sont les plus demandeurs d’examens de biologie médicale sans ordonnance. Si chez les femmes, le test de grossesse est largement majoritaire, (71% des demandes), chez les hommes la répartition est plus équilibrée avec des demandes ciblées sur la prévention : dépistage du VIH, gamma-GT, et recherche de THC (cannabis). « Chez les 20 à 40 ans, une nette saisonnalité s’observe, avec un afflux de demande l’été, essentiellement d’ECBU et de dépistage des IST » commente le Dr Laurent Kbaier, biologiste médical à Hyères lors de la table ronde sur l’autoprescription organisée par Biogroup. « Le citadin de 20 à 40 ans, pressé, va au laboratoire pour un bilan, puis voir le médecin ensuite » analyse le Dr Kbaier. « Le problème c’est que les patients ne savent pas quels examens ils demandent : trop, pas assez… Sous une démarche d’auto-prescription il y a toujours une demande cachée » pointe le Pr Serge Gilberg, médecin généraliste, professeur des universités, médecine générale. Cette tendance est symptomatique du développement d’une « culture de l’autonomie facilité par le contexte de l’augmentation des maladies chroniques et de l’importation du modèle anglo-saxon » décrypte Sylvie Fainzang, anthropologue, directrice de recherche à l’Inserm.

 

Faciliter la prévention et le dépistage

« Depuis cette année, dans la loi de finances 2020, à titre expérimental les examens réalisés à l’initiative du patient peuvent être remboursés, dans le cadre de l’article 51 » dévoile le Professeur Joëlle Goudable, biologiste, professeur émérite de santé publique. Quel est le ressenti des biologistes et des médecins généralistes vis-à-vis de ce phénomène amené à prendre de plus en plus d’ampleur ? Selon un sondage du réseau Biogroup sur environ 200 médecins généralistes et 200 biologistes médicaux, les premiers sont globalement défavorables au développement de l’offre d’analyses ou de profil biologiques proposés par certains laboratoires, alors que les seconds y sont globalement favorables. « Mais parmi les médecins généralistes défavorables, 64% y sont néanmoins favorables lorsqu’il s’agit du dépistage d’IST » détaille le Dr Benoit Dumont, biologiste médical à Lyon. « Pour plus de 85% des biologistes interrogés, ces demandes pourraient être justifiées pour le dépistage des IST et les situations d’urgence » complète-t-il. En effet, 80% des biologistes et 40% des médecins généralistes interrogés estiment que ces analyses en autoprescription permettraient de faciliter la prévention et le dépistage. Cependant, 70% des généralistes et 60% des biologistes pointent le risque de mauvaise prise en charge médicale, en dehors du parcours de soin.

 

Importance du dialogue clinicien biologiste

Face à ces demandes d’autoprescription, environ un tiers des biologistes et des médecins généralistes estiment que le rôle des biologistes est « d’accepter, mais de rationaliser et encadrer ces demandes », et un second tiers que leur rôle est « d’inciter le patient à demander l’avis de son médecin traitant suite à ces analyses ». L’importance du dialogue clinicien-biologiste émerge des retours des biologistes assistant à la table ronde. « Par la suite, pourrions-nous envisager d’établir des bilans types en concertation avec les médecins ? » interroge une biologiste de Noisy le grand.  « Les biologistes deviennent une nouvelle porte d’entrée dans le parcours médical » résume le Dr Dumont.

NBS

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