Les CPTS structureront-elles le système de soins ?

Les biologistes médicaux ont toute leur place dans les équipes pluridisciplinaires de professionnels de santé impliqués dans les CPTS. Les fondateurs des premières structures opérationnelles en ont témoigné lors du 7e Carrefour de l’observance en juin. Retour sur cet évènement à l’occasion de la publication de l’arrêté approuvant l’accord professionnel interprofessionnel (ACI), signé le 20 juin dernier. 

Publié le 02 septembre 2019

Les CPTS structureront-elles le système de soins ?

Les CPTS étaient au centre du 7e Carrefour de l’observance intitulé « Les CPTS ou l’émergence d’un nouveau monde ? », organisé par Observia en partenariat avec Nile le 27 juin. Ces Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), créées par l’article 65 de la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, constituent une des dix mesures phares de la stratégie de transformation du système de santé « Ma santé 2022 ».

 

Travail en interpro

Les CPTS sont destinées à répondre à deux enjeux : premièrement structurer les soins de ville pour assurer le « virage ambulatoire », faire face aux difficultés liées à la démographie médicale et à la croissance des maladies chroniques, et deuxièmement compenser l’isolement de certains professionnels de santé, développer l’exercice coordonné et les relations ville/hôpital. « Il s’agit d’une évolution majeure du système de soins qui structure l’offre de ville particulièrement éparpillée. Qu’un collectif de professionnels de santé travaille ensemble sur des missions concrètes, c’est très nouveau. Et cela présentera l’intérêt majeur de faciliter les relations ville/hôpital » se réjouit Pierre Ouanhnon, directeur du pôle ambulatoire et services aux professionnels de santé de l’ARS Ile-de-France.
L’objectif -ambitieux- de déployer 1000 CPTS à l’horizon 2022 semble pourtant difficile à atteindre selon Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie,même s’il y voit « une dynamique réelle des territoires ». Plus de 300 projets sont d’ores et déjà enregistrés dont quelques dizaines sont déjà opérationnels.
Cet acronyme suscite beaucoup d’espoirs pour une amélioration de la prise en charge des patients dans un souci de « continuité, cohérence, qualité et sécurité des services de santé par une meilleure coordination des différents acteurs ».

 

Quézaco?
Lors de la signature de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) le 20 juin dernier, l’Assurance maladie a redéfini les CPTS. L’arrêté approuvant cet ACI a été publié le 24 août 2019 au Journal officiel.
Une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) est une organisation conçue autour d’un projet de santé et constituée à l’initiative des professionnels de santé sur un territoire donné (potentiellement plusieurs par département). Elles sont composées de professionnels de santé comme d’établissements de santé et d’acteurs médico-sociaux et sociaux. Elle a pour vocation d’être une organisation souple de coordination gérée par les professionnels eux-mêmes, selon les besoins spécifiques du territoire. Les acteurs locaux en déterminent le périmètre géographique.
Le cadre national fixe trois missions socles :
–          Faciliter l’accès aux soins des patients (médecin traitant et prise en charge des soins non programmés en ville).
–          Organiser les parcours de soins avec une meilleure coordination entre les acteurs.
–          S’engager dans le champ de la prévention.

 

Ce dispositif, qui se veut souple et adaptable pour un usage interprofessionnel, constituera-t-il un véritable tournant ? C’était l’objet du débat de ce Carrefour de l’observance car si les soignants impliqués dès le départ se sont emparés de cet outil, les professionnels de santé de terrain méconnaissent le plus souvent ce dispositif. Tout l’enjeu est donc de les informer et de les mobiliser.
« Pour que les professionnels de santé libéraux isolés intègrent les CPTS il est indispensable de leur faire découvrir les dispositifs, leur intérêt, leur financement… » insiste Pierre Ouanhnon qui annonce la mise en ligne d’un MOOC à l’automne 2019 destiné aux professionnels de santé sur ce qu’est une CPTS.

 

Informer pour lever les freins

« Je fais actuellement un tour de France avec des réunions en régions pour raconter mon expérience, expliquer l’intérêt des CPTS et lever les freins » confie Sophie Sergent-Decherf, présidente de la Commission pharmacie clinique et exercice coordonné à la FSPF (Fédération des syndicats pharmaceutiques de France) et impliquée dans la CPTS Liévin-Pays d’Artois qui compte 53 professionnels de santé de neuf typologies différentes dont des biologistes médicaux. « Nous sommes partis des besoins de liens entre la ville et l’hôpital sur le terrain, pour gérer les perfusions à domicile dans un premier temps, en septembre 2016. Nous avons commencé par des réunions entre les pharmaciens d’officine et le médecin chef des urgences. Les statuts de la CPTS ont été déposés en mai 2018 ».
Pour Benoît Blanc, médecin généraliste et fondateur de la CPTS Bergerac, le collectif local de professionnels de santé s’est constitué pour essayer de faire venir des jeunes. « En deux ans nous avons créé un pôle de santé accueillant une vingtaine de libéraux et en 2016 notre CPTS qui regroupe maintenant environ 110 professionnels de santé ». Tous les acteurs de soins sont partie prenante.
« La secrétaire du bureau de notre association est biologiste et était présente depuis le début, se souvient Sophie Sergent-Decherf. Le biologiste médical possède une vision du parcours de santé et du territoire intermédiaire entre l’hôpital et la pharmacie, ce qui lui confère un rôle important ». A Bergerac et Paris des biologistes font également partie de l’équipe pluridisciplinaire.
« La création d’une CPTS nécessite un long temps de dialogue entre professionnels de santé afin d’apprendre à se connaitre et à trouver des solutions ensemble », souligne Sophie Sergent-Decherf. Le premier frein à lever est constitué par les idées reçues que les professionnels ont les uns sur les autres, le plus souvent par méconnaissance de leurs activités quotidiennes. « Il faudrait que tous les étudiants des filières de santé aient des formations communes. Et que nous expliquions le système de santé aux élus » propose le médecin généraliste.
Autre frein : « il faut surmonter la peur des contraintes administratives. Mais cela vaut la peine car la CPTS est une structure reconnue qui permet d’accéder à des financements » ajoute la pharmacienne.
« Notre CPTS existe depuis août 2018, décrit Sophie Dubois, pharmacienne coordinatrice du Pôle santé Paris 13. Ce cadre juridique permet de contractualiser avec nos partenaires, nous indemnisons près de 120 libéraux. » « Il faut toutefois avouer que la mise en place de départ s’appuie sur beaucoup de bénévolat et de militantisme. Et la gestion administrative de la structure devient vite compliquée face à notre seule bonne volonté » nuance Benoit Blanc. « Nous avons désormais un cadre juridique, se réjouit Sophie Dubois, maintenant il faut donner des moyens financiers et logistiques solides aux CPTS avec un support administratif, logiciel, de gestion interne et de comptabilité ». Pour les évolutions positives, les CPTS, de l’avis général, permettent de mieux identifier les autres professionnels de santé environnants, de faciliter la coordination des soins non programmés avec moins de stress et donc d’apporter un bénéfice immédiat pour le patient. Prévention, dépistage, prise en charge des personnes âgées s’en trouvent aussi améliorés. « Nous avons enfin vu arriver des jeunes dans notre structure », se félicite Benoit Blanc. Mais un dernier bémol est regretté par l’ensemble des intervenants : il faudrait simplifier accès et communication, et informer les patients de ce qu’ils peuvent attendre de la structure. « Dans le 13e, nous avons opté pour un accès unique avec un seul local et un seul numéro de téléphone qui assure ensuite l’orientation » décrit Sophie Dubois. « A Bergerac nous disposons d’un site internet collaboratif avec une partie réservée aux professionnels de santé et un accès pour le grand public présentant les membres de la CPTS et délivrant des messages de santé publique. Nous communiquons également dans la presse locale et distribuons des brochures dans les cabinets » décrit Benoit Blanc.

 

l’ACI prévoit le financement

Les financements sont encore en cours d’obtention. « Nous attendons beaucoup de l’ACI (Accord conventionnel interprofessionnel) signé le 20 juin 2019 » confie Sophie Dubois qui précise « il existe quatre tailles de CPTS selon le nombre d’habitants concernés avec des budgets allant de 180 000 € à 380 000€ (pour les bassins de vie de plus de 175 000 habitants) par an afin de financer un coordinateur, des formations, des supports… Avant nous n’avions que le FIR (Fonds d’intervention régional de l’ARS), quelques dons et contrats locaux de santé ». L’ACI vise à apporter un soutien financier aux CPTS afin de favoriser la coordination entre professionnels de santé. Sa mise en place est prévue dès la rentrée 2019. L’aide financière versée par l’Assurance maladie servira à valoriser le travail de coordination des professionnels de santé et les réponses organisationnelles aux besoins spécifiques de la population de chaque territoire (comme des outils numériques pour des agendas partagés, des annuaires…).

 

JS

En Ile-de-France
L’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France présente sur son site internet une cartographie des CPTS, constituée, en cours de constitution et en projet. Fin juillet, 78 projets sont en cours et seule la CPTS du 13e arrondissement de Paris, créée en septembre 2018 et inaugurée en mars 2019, est opérationnelle. L’ARS et la Direction de la coordination de la gestion du risque indiquent qu’elles accompagnent les initiatives des professionnels de santé en leur apportant un appui administratif, méthodologique et financier dès l’élaboration des projets.