Polémique autour de la maladie de Lyme

Recommandation de la HAS

La Haute autorité de santé (HAS) a présenté mercredi 20 juin lors d’une conférence de presse ses recommandations pour le diagnostic et la prise en charge de la maladie de Lyme, avec pour objectif d’éviter les errances diagnostiques et les traitements inappropriés.

Par Steven DIAI, publié le 10 juillet 2018

Polémique autour de la maladie de Lyme

La présidente de la HAS, Dominique Le Guludec, a rappelé que les incertitudes actuelles sur cette maladie infectieuse transmise par des tiques « produisent de réelles difficultés pour les patients et pour les professionnels ». Les recommandations ne lèvent pas toutes les incertitudes mais se sont appuyées sur les données scientifiques disponibles et, quand elles n’existent pas, sur les avis des experts. Cédric Grouchka, membre du collège de la HAS, a rappelé que de nos jours, « il y a probablement des diagnostics faits à tort » et à l’inverse « des patients qui ne sont pas diagnostiqués ». Pour lui, « environ un tiers des patients a le bon traitement, un tiers reçoit une antibiothérapie trop longue et un tiers n’est pas ou peu traité ». Les recommandations émises sont donc les suivantes : Hormis l’érythème migrant multiple dont là aussi le diagnostic est uniquement clinique, toutes les autres manifestations nécessitent une sérologie (tests Elisa puis, s’il est positif ou douteux, le Western blot).
La polémique porte sur une autre forme, identifiée par la HAS comme « symptomatologie ou syndrome persistant polymorphe après une possible piqûre de tique (SPPT). » C’est l’identification d’une population qui peut avoir eu dans le passé une piqûre de tique, avec ou sans antécédent d’érythème migrant, et qui présente une « triade de symptômes se manifestant plusieurs fois par semaine, depuis plus de 6 mois, un syndrome polyalgique, une fatigue persistante avec réduction des capacités physiques, et des plaintes cognitives (troubles de la concentration et/ou de l’attention, troubles mnésiques, lenteur d’idéation). » Face à ce syndrome composé de symptômes non spécifiques, pour des patients en errance diagnostique et qui reçoivent parfois des traitements non justifiés, la HAS recommande « un bilan étiologique complet » afin « d’éliminer toutes les différentes hypothèses et affiner le diagnostic. »
Citant une étude présentée aux Journées nationales de l’infectiologie à Nantes, Cédric Grouchka estime qu’environ 90 % des patients présentant ces symptômes non spécifiques peuvent in fine recevoir un diagnostic. Dans une étude,10 % des patients avaient bien une maladie de Lyme. Et 80 % ont pu recevoir d’autres diagnostics : notamment des maladies neurologiques (sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, maladie de Parkinson), rhumatologiques (polyarthrite, spondylarthrite) ou psychiatriques (dépression, syndrome de stress post-traumatique, épuisement professionnel, harcèlement moral ou sexuel). Le débat porte donc sur les 10 % qui restent finalement sans diagnostic après le bilan étiologique, auxquels il pourra alors être proposé « un traitement antibiotique d’épreuve de 28 jours ». Si celui-ci n’aboutit pas, les symptômes persistent, ces patients entreront alors dans des protocoles de recherche.
Dans un courrier, dont des médias ont révélé la teneur, la Spilf et d’autres sociétés savantes estiment que le SPPT « ne correspond pas à une entité connue et décrite dans la littérature ». La Spilf craint que les « imprécisions […] créent la confusion et complexifient la prise en charge des patients ». Elle aurait souhaité que « la réflexion se poursuive » avant que ne soient publiées les recommandations.
L’Académie de médecine a, pour sa part, exprimé son désaccord profond avec les recommandations sur le diagnostic et la prise en charge de la maladie de Lyme. « La HAS maintient l’ambiguïté, en particulier sur la notion de Lyme chronique, à travers ce qu’elle dénomme ‘symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après piqûre de tique ou SPPT’ et reconnaît de fait implicitement l’existence d’une telle pathologie sans la moindre preuve avec, pour conséquence, des propositions de prise en charge lourde impliquant des investigations nombreuses, coûteuses et souvent inutiles. » « Ces recommandations ne sont pas parfaites, compte tenu des incertitudes scientifiques qui persistent », a indiqué Mme Le Guludec, mais « elles constituent une étape importante pour rassurer les patients ».

La rédaction avec l’APM

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