La santé dans le débat du second tour des présidentielles 2017

Présidentielles 2017

Biologiste infos

À la suite du débat télévisé sur les compétences des finalistes à la course à l’Élysée 2017, nous vous proposons un bref retour sur le programme Santé d’Emmanuel Macron et celui de Marine Le Pen.

Par Steven DIAI, publié le 05 mai 2017

La santé dans le débat du second tour des présidentielles 2017

Indéniablement, la thématique de la Santé occupe une place prépondérante dans cette campagne électorale et tout particulièrement le sujet du renoncement aux soins. Passage en revue (non exhaustif) des mesures emblématiques des deux candidats.

Emmanuel Macron

Sur le financement du système, Emmanuel Macron a annoncé un plan d’investissement de 5 milliards d’euros dans la santé. Il souhaite limiter l’Objectif national de dépenses d’Assurance maladie (Ondam) à 2,3 % de 2018 à 2022 et réaliser 15 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de santé. À cette meilleure gestion du système de santé, le candidat d’En Marche ! souhaite également une politique de prévention en santé renforcée (lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme, l’obésité et la sédentarité), moteur de ces économies. Emmanuel Macron souhaite par ailleurs transférer le financement de ces dépenses vers l’impôt, via la suppression de 3,1 points de cotisations salariales, compensé par 1,7 point de CSG au taux normal.

Pour revenir sur le volet de la prévention, Emmanuel Macron propose de créer un service sanitaire de trois mois pour tous les étudiants en santé, dont 40 000 interviendront dans les écoles ou les entreprises, afin notamment de prévenir les maladies professionnelles.

« Prendre en charge à 100 % les lunettes, prothèses dentaires et auditives d’ici à 2022 »

Mesures emblématiques de la campagne d’Emmanuel Macron, afin de lutter contre les inégalités et que les Français cessent de renoncer aux soins, il propose de ne dérembourser aucun soin utile dans les 5 ans qui viennent et de prendre en charge à 100 % les lunettes, prothèses dentaires et auditives d’ici à 2022. Pour ce faire, les complémentaires prendraient en charge les quelque 4,5 milliards d’euros qui restent chaque année à la charge des patients. De son point de vue, les mutuelles et les assureurs disposent en ce sens de marges substantielles d’économies. Et pour faire baisser les prix des mutuelles et des assureurs, Emmanuel Macron mise sur plus de concurrence. Il leur imposera donc trois modèles de contrats clairement comparables.

« Lutter contre les déserts médicaux »

Sur le numerus clausus, le candidat d’En Marche ! estime qu’il est aujourd’hui « injuste et inefficace » et souhaite adapter les capacités de formation aux besoins de santé des territoires. Il veut en ce sens doubler le nombre de maisons de santé, soit 1 000 structures de plus en cinq ans. Le financement sera assuré par cinq des 15 milliards d’économies imposées sur cinq ans à l’Assurance maladie, et que le candidat veut réinjecter dans l’innovation et le soin primaire.

« Plus d’attractivité…

Emmanuel Macron propose également de donner davantage d’autonomie aux hôpitaux, en diversifiant les modes de rémunération des professionnels et les modes de financement des hôpitaux, dans un cadre sécurisé nationalement. Il veut accélérer le déploiement des groupements hospitaliers de territoire (GHT) tout en mettant davantage d’interactions entre eux et les autres acteurs de l’offre. Et pour rendre le système de santé plus efficient, il propose de généraliser la vente de médicaments à l’unité. (Emmanuel Macron a par ailleurs indiqué qu’il voulait lancer une concertation sur la vente de médicaments en dehors des pharmacies.)

Sur le secteur médico-social, Emmanuel Macron propose de développer et soutenir les soins à domicile, de permettre aux aidants de mieux se former ou d’être accompagnés, d’encourager les solutions de télémédecine dans les maisons de retraite ou encore de lancer un plan d’évaluation des techniques et méthodes de prise en charge des handicaps. Plus généralement, le candidat fait savoir qu’il est favorable à l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) pour les femmes seules et les couples de femmes, mais se dit opposé à la gestation pour autrui (GPA).

« …et de compétitivité

Côté fonction publique, Emmanuel Macron veut redéployer les effectifs pour créer des postes dans les services qui répondent à l’évolution des besoins des citoyens (éducation et sécurité). Les effectifs de la fonction publique hospitalière (FPH) seront maintenus, mais 120 000 postes ne seront pas renouvelés dans la fonction publique territoriale (70 000) et dans la fonction publique d’État (50 000).

Emmanuel Macron a également annoncé vouloir créer un « fonds pour l’industrie et l’innovation » de 10 milliards d’euros, avec pour objectif de financer « l’industrie du futur » et d’inciter les laboratoires à produire en France et diffuser « plus rapidement » l’innovation.

Marine Le Pen

Si, contrairement à Emmanuel Macron, Marine Le Pen ne fixe aucun objectif précis sur l’Ondam, la candidate de l’extrême droite estime cependant que les tendances lourdes de la société (vieillissement, dépendance et progrès médicaux) rendent incontournable une « progression des dépenses de santé et du budget des hôpitaux ». Dans les « 144 engagements présidentiels » de Marine Le Pen, une douzaine concernent la santé. Son programme avance finalement de grands principes, mais assez peu d’idées neuves et surtout, peu de chiffrage… Parmi ses mesures phares, elle promet de « garantir la Sécurité sociale pour tous les Français » ainsi que le « remboursement de l’ensemble des risques pris en charge par l’Assurance maladie ». Elle souhaite créer une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée à la dépendance, « afin de permettre à chaque Français de se soigner et de vivre dans la dignité » et, entre autres, la « revalorisation de 20 % de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ». Marine Le Pen assure que ses mesures sociales seront « plus que financées par des économies de gestion, la lutte contre la fraude et la baisse des dépenses sociales qui découlera de la réduction drastique des flux migratoires ».

« Des économies sur la suppression de l’Aide médicale d’État (AME) et l’augmentation des médicaments génériques

La candidate de l’extrême droite voit dans la suppression de l’aide médicale de l’État (AME), accordée aux étrangers en situation irrégulière une source d’économies et souhaite aussi instaurer un délai de deux ans avant que les étrangers en situation régulière sur le territoire puissent bénéficier des remboursements de l’Assurance maladie. Le FN n’indique cependant pas le montant de l’économie attendue par la suppression de l’AME. Le parti attend de la même manière des économies de la baisse du prix des médicaments coûteux par l’augmentation de la proportion de génériques et du développement de la vente à l’unité des médicaments remboursables. Sur l’avenir de l’officine, Marine Le Pen souhaite conserver le monopole officinal, afin d’éviter les trafics de médicaments et la circulation de produits contrefaits. Elle souhaite par ailleurs consolider le maillage et l’emploi, et faire du pharmacien « un professionnel médical à part entière », en lui confiant des « missions nouvelles ».

« Quid des audioprothèses, lunettes et soins dentaires ?

La position du Front national sur la question du remboursement des aides auditives, entre autres, semble de plus en plus floue. Au cours du Congrès des audioprothésistes, la députée européenne Joëlle Mélin, responsable Santé du Front national et également médecin-gériatre, déclarait que la solution aux problématiques d’accès aux soins auditifs passe par « la prévention ; tous les 2 ans à partir de 40 ans et de façon plus importante pour les professions exposées à des risques auditifs » et surtout par une « prise en charge directe par la Sécurité sociale, et non par les complémentaires », facteur de « dérégulation et de marchandisation des professions de santé » ; une façon de marquer l’opposition de Marine Le Pen aux réseaux de soins. Aussi, s’il faut « un moindre reste à charge » il faut conserver une « participation de l’assuré ». Une solution qui ne semble pas « inadmissible » pour Joëlle Mélin, d’autant plus si l’augmentation de la prise en charge par l’AMO atteint les « 50 à 60 % » du coût total. Son exposé faisait en revanche l’impasse sur le chiffrage précis des sommes que pourrait allouer en plus le régime obligatoire à ces dépenses.

Cependant, dans l’édition du 2 mai du journal Le Parisien, Mickaël Ehrminger, membre de l’équipe de campagne du FN, « en charge de la santé et du handicap » conteste les pistes avancées par Joëlle Mélin et tout particulièrement le remboursement « d’au moins 50 % » des soins dentaires, optiques et auditifs. Ces augmentations des remboursements constitueraient uniquement des « pistes (qui) n’ont pas été validées par l’équipe de campagne »…

« Relever le numerus clausus et augmenter les effectifs hospitaliers

Face à la désertification médicale galopante, Marine Le Pen souhaite augmenter le numerus clausus des étudiants en médecine, afin notamment de limiter le recours aux médecins étrangers, mais également financer les téléconsultations au même titre que les consultations physiques. Toujours sur les déserts médicaux, elle souhaite instaurer un stage d’internat dans les zones en pénurie afin d’y encourager les installations… Dans le même temps, les praticiens proches de la retraite seront incités fiscalement à poursuivre leur activité. Sur le dossier de la fonction publique, la candidate frontiste compte « dégeler et revaloriser » le point d’indice des fonctionnaires et « préserver le statut ». Elle promet aussi d’augmenter les effectifs hospitaliers, sans donner de chiffres tout en maintenant « au maximum les hôpitaux de proximité ». Marine Le Pen souhaite aussi « rationaliser » le fonctionnement des ARS et accélérer l’ouverture de maisons de santé. Dans un livret thématique intitulé « Garantissons la sécurité sociale pour tous les Français », la candidate propose un « grand plan de rénovation et de modernisation des établissements de santé » axé sur les systèmes d’information. Elle y annonce notamment la remise à plat des groupements hospitaliers de territoire (GHT) et de la tarification à l’activité (T2A).

Enfin, sur les questions éthiques et de société, elle veut faciliter l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap et renforcer la lutte contre les discriminations. Parmi ses autres mesures, figurent la mise en œuvre d’une « vraie politique nataliste réservée aux familles françaises », en rétablissant l’universalité des allocations familiales et en maintenant leur indexation sur le coût de la vie, mais également le maintien de l’interdiction de la GPA. Concernant la PMA, Marine Le Pen souhaite la réserver « comme réponse médicale aux problèmes de stérilité ».

GB avec agences