Réévaluation de la stratégie de dépistage de l’infection à VIH en France

Dépistage du VIH

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La stratégie de dépistage de l’infection à VIH en France a fait l’objet de recommandations publiées par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2009. Au regard des nouvelles données épidémiologiques et de celles portant sur le recours au dépistage de l’infection à VIH depuis 2009, et à la demande de la Direction générale de la santé, la HAS réévalue cette stratégie de dépistage.

Par Steven DIAI, publié le 20 avril 2017

Réévaluation de la stratégie de dépistage de l’infection à VIH en France

L’objectif du dépistage de l’infection à VIH est de diagnostiquer les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) le plus tôt possible, avant l’apparition de symptômes, afin de leur proposer une prise en charge précoce et un traitement antirétroviral (ARV) efficace et mieux toléré qu’auparavant, permettant de réduire la morbi-mortalité à l’échelle individuelle et de diminuer la transmission du VIH à l’échelle de la collectivité.

Stratégie de dépistage recommandée par la HAS en 2009

En 2009, la Haute Autorité de santé (HAS) a formulé des recommandations pour une nouvelle stratégie de dépistage de l’infection à VIH en France : il s’agissait de proposer un dépistage à l’ensemble de la population générale âgée de 15 à 70 ans « au moins une fois dans la vie » lors d’un recours aux soins, en dehors de toute notion d’exposition à un risque de contamination par le VIH (dépistage universel), et un dépistage régulier aux populations clés les plus exposées (dépistage ciblé). En particulier, un dépistage annuel était recommandé pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) multipartenaires, les utilisateurs de drogues par injection (UDI) et les personnes multipartenaires originaires d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes.

Le rôle central des soignants en tant qu’initiateurs du dépistage constituait un véritable changement de paradigme par rapport à la seule promotion d’une démarche volontaire individuelle de dépistage qui prévalait auparavant en matière de lutte contre l’infection à VIH. Pour être mise en œuvre, la nouvelle stratégie de dépistage nécessitait la participation active des acteurs des soins de santé primaires, et en particulier des médecins généralistes. Afin de faciliter l’accès au dépistage des populations qui y ont recours insuffisamment par rapport à leurs pratiques à risque, les recommandations de la HAS de 2009 préconisaient le recours aux tests de dépistage rapide d’orientation diagnostique (TROD), notamment dans des structures non médicalisées.

Au vu de l’évolution du contexte épidémiologique et de la situation du dépistage de l’infection à VIH depuis la publication des recommandations de la HAS en 2009, il est apparu pertinent d’examiner l’intérêt d’une offre de dépistage en population générale en termes de santé publique, mais aussi de réexaminer les recommandations portant sur la fréquence du dépistage parmi les populations-clés : HSH, UDI et personnes originaires de zones de forte prévalence, notamment d’Afrique subsaharienne et des Caraïbes, et enfin de prendre en considération la mise à disposition d’outils complémentaires de dépistage de l’infection à VIH (modalités et technologies innovantes).

Recommandations actualisées de la HAS

Populations à risques

La HAS recommande que « la priorité soit accordée au dépistage de l’infection à VIH en direction des populations-clés. » Il convient ainsi, selon elle, de « renforcer la fréquence du dépistage dans ces populations : »

– tous les 3 mois chez les HSH ;

– tous les ans chez les UDI ;

– tous les ans chez les personnes originaires de zone de forte prévalence, notammentd’Afrique subsaharienne et des Caraïbes.

Par ailleurs, dans un contexte de diversité des tests de dépistage disponibles, les experts du groupe de travail considèrent important de rappeler les limites de la performance des différents tests et de leur utilisation. Ils insistent néanmoins sur le fait que « si les délais de prise de risque de six semaines pour un Elisa de 4e génération et de trois mois pour les tests de dépistage rapide à orientation diagnostique (TROD) et les autotests de dépistage de l’infection à VIH (ADVIH) sont des informations nécessaires à l’interprétation du résultat négatif, ils ne doivent en aucun cas être un frein à l’accès au test de dépistage. » En particulier, en cas de suspicion d’exposition récente au VIH, « un test Elisa de 4e génération peut être positif dans les 2 à 3 semaines suivant la contamination. De même, un TROD peut dépister des primo-infections. »

Population générale

Dans l’objectif de permettre le diagnostic des personnes qui ignorent leur séropositivité et de réduire l’épidémie cachée, les experts recommandent que « la proposition d’un test de dépistage de l’infection à VIH au moins une fois au cours de la vie entre 15 et 70 ans soit maintenue », car elle représente une approche complémentaire au dépistage en direction des populations-clés. La proposition d’un test de dépistage doit être principalement orientée en fonction de l’incidence de l’infection à VIH et de la prévalence de l’infection non diagnostiquée plus élevées dans certaines régions (IDF, PACA, DFA) ainsi que chez les hommes « qui représentent 72 % des personnes non diagnostiquées et qui, globalement, ont moins d’opportunités de dépistage en raison notamment d’un moindre recours au système de soins..

Les experts recommandent par ailleurs aux professionnels de santé de « saisir toutes les occasions de contact avec le système de santé pour évoquer la question du dépistage de l’infection à VIH et l’intérêt de la réalisation d’un test de dépistage. »

Circonstances particulières

Les experts du groupe de travail ont également souhaité préciser la manière dont la proposition de dépistage de l’infection à VIH doit être envisagée dans ces circonstances ou périodes de la vie particulières.

Afin de permettre le dépistage d’une éventuelle infection à VIH récente, un test Elisa de 4e génération doit être systématiquement proposé dans les cas suivants :

– diagnostic d’une IST, d’une hépatite B ou C ;

– viol ;

– grossesse ;

– signes évocateurs de primo-infection.

Un test de dépistage de l’infection à VIH, quel qu’il soit, doit également être systématiquement proposé, selon les experts, dans les cas suivants :

– projet de grossesse, prescription d’une contraception ou IVG. Cette démarche concerne aussi bien la femme que son partenaire lorsque celui-ci peut être contacté ;

– incarcération ;

– diagnostic de tuberculose.

Dépistage à l’initiative de l’individu

La HAS rappelle que la démarche individuelle et volontaire de recours au dépistage de l’infection à VIH doit également être encouragée et facilitée. Dans cette perspective, des travaux de recherche opérationnelle sur l’intérêt de l’utilisation des ADVIH et des méthodes d’auto-prélèvement en contexte de dépistage doivent être réalisés et des programmes pilotes de dépistage en médecine libérale ou préventive, promus afin d’évaluer leur faisabilité (participation des individus, adhésion des professionnels de santé, prélèvement et transport des échantillons).

Approche préventive globale

La HAS considère que le dépistage de l’infection à VIH doit s’insérer dans une démarche de prévention. Dans ce cadre, la proposition conjointe de tests de dépistage de l’infection à VIH, du VHB et du VHC en fonction des facteurs de risque peut permettre de faciliter la recherche de l’infection à VIH et d’inscrire cette démarche dans une approche plus globale de santé sexuelle. Cette proposition doit être accompagnée d’une information préalable du patient sur l’intérêt du test et la possibilité de s’opposer à sa réalisation.

Adapter l’offre de dépistage aux populations à cibler

Devant la diversité des acteurs du dépistage de l’infection à VIH présents sur le territoire français et des outils disponibles, il convient, selon les experts, « d’adapter l’offre aux populations à cibler de façon prioritaire et de favoriser toutes les occasions de proposition de dépistage en les coordonnant. »

• Les experts incitent les structures associatives « à poursuivre leurs actions de dépistage par TROD hors les murs et dans les centres spécifiquement orientés vers les populations clés. » Ils recommandent, dans ce cadre, que « le financement du dépistage communautaire soit adapté » et que « l’évaluation de ces dispositifs soit continue. »

• Les experts indiquent que « l’élargissement des missions des CeGIDD (Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic) nécessite le développement correspondant de leurs moyens et l’allocation de fonds dédiés à ces dispositifs. » Selon eux, l’approche visant les populations-clés, notamment hors les murs, en lien avec les structures associatives et les CoReVIH, doit être promue.

• Selon les experts du groupe de travail de la HAS, « la réalisation d’un prélèvement sanguin lors d’un recours aux soins hospitaliers représente une occasion de proposer un test de dépistage de l’infection à VIH. » Dans ce cadre, ce test doit être proposé en population générale en l’absence de test de dépistage réalisé antérieurement ou aux populations clés en l’absence d’un test récent, conjointement à celui du VHB et du VHC. La proposition de dépistage de l’infection à VIH dans les services d’urgences doit, quant à elle, plutôt s’orienter en direction des populations clés.

• Les médecins généralistes et autres spécialistes de ville doivent, selon les experts « saisir toutes les occasions de proposer le test à tout patient (bilan biologique, prescription d’un contraceptif, changements dans la vie affective…) ». L’implication de ces médecins doit être soutenue en leur laissant la possibilité de proposer des actes de prévention et de dépistage, hors soin, dans le cadre d’une consultation de dépistage et prévention dédiée, d’utiliser les TROD VIH et de participer à des actions de dépistage organisées, avec affichage dans leur structure. « À ce titre, une intégration du dépistage de l’infection à VIH à la ROSP (Rémunération sur Objectifs de Santé Publique) des médecins et l’inscription de ces actes à la nomenclature des actes complexes prévue par la convention médicale mériterait réflexion. »

• Les experts estiment que « La réalisation d’un test de dépistage (Elisa de 4e génération) directement dans un laboratoire de biologie médicale (LBM), sans prescription ou sur invitation de l’Assurance Maladie, doit rester possible » et que l’accès aux autotests de dépistage du VIH (ADVIH) auprès de pharmaciens d’officine doit être facilité.

Source : HAS

La rédaction