Autotests en officine : une réelle avancée en termes de dépistage?

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Suite à la commercialisation en officine de larges gammes d’autotests par des firmes pharmaceutiques, les syndicats de biologistes hospitaliers et libéraux dénoncent « un danger pour la santé des français », « une aberration à l'heure où on demande aux laboratoires de biologie médicale de s'accréditer » et mettent en avant « des problèmes de sensibilité et de spécificité » de ces autotests.

Par Steven DIAI, publié le 27 octobre 2016

Autotests en officine : une réelle avancée en termes de dépistage?

Des autotests permettant au patient d’autoévaluer son état de santé en matière de cholestérol, de ménopause, de carence en fer, d’infection urinaire, d’allergie, d’évaluer son taux d’albumine, ou de détecter une infection par le tétanos, la maladie de Lyme, des pathologies de l’appareil digestif, de la prostate, un ulcère à l’estomac ou une hypothyroïdie, sont désormais en vente libre en pharmacie. Au dire des firmes pharmaceutiques, les autotests « favoriseraient la prise en main des Français pour leur santé », et une certaine « proactivité en matière de prévention ». Le Dr Richard Fabre, président de la SAS Labster conteste cette affirmation. Il rappelle en effet que si « ces autotests répondent à une impulsion du patient ou à une situation d’urgence dans un parcours de soins complexes, leur qualité technique ne permet pas de parler d’un véritable diagnostic ». En effet, l’ingénierie de ces autotests demeure opaque. « Leur étalonnement, les études de faux positifs et faux négatifs, l’évaluation de leur sensibilité et leur spécificité sont a minima inconnues et au pire montrent de grandes lacunes dans la rigueur de leur conduite lorsque ces données existent », renchérit le Dr Thomas Nenninger, président de BPR Lab. Ces autotests ne sont contraints qu’au marquage CE, autocertification, qui selon lui, « qui n’apporte aucune garantie. » « Un véritable scandale » pour certains paramètres sensibles, s’exclame le Dr Nenninger, en souvenir de l’affaire des faux-négatifs des premiers tests VIH commercialisés en 2014. Quant à la Fédération Nationale des syndicats d’internes en pharmacie et biologie médicale (FNSIP-BM), elle relève que « Ces autotests sont très dépendants des éventuelles comorbidités des usagés. Il s’agit d’un véritable retour en arrière quant aux progrès analytiques réalisés dans nos laboratoires. »

Des autotests en vente libre en officine

Si pour ces firmes pharmaceutiques, « améliorer l’accès au dépistage et à la prévention via la vente libre d’autotest en pharmacie est un enjeu de santé publique », pour le Dr Nenninger, « si l’on souhaite réellement mettre [ces autotests] à disposition d’un large public, et que l’on décide en âme et conscience que ce sont des tests à destination de l’ensemble de la population, à quel motif restreindre leur vente au seul domaine des pharmacies? A contrario, souligne le biologiste, si ces dispositifs médicaux nécessitent une compétence et des diplômes justifiant que leur vente soit restreinte, ils ne peuvent être placés que sous l’égide et la responsabilité de ceux dont c’est le métier et la formation première: les biologistes médicaux. Exclure d’emblée ces derniers, relève d’un abus, et même d’une perte de chance pour les patients. »

Et la FNSIP-BM de renchérir : « Rappelons qu’il existe des spécialistes du diagnostic et du suivi biologique. Le biologiste médical est le seul professionnel apte à garantir la fiabilité d’un résultat et à en connaître ses limites. »

En effet, les réserves émises par la communauté des biologistes médicaux au sujet des autotests sont nombreuses. Ils mettent en exergue les soucis de sensibilité et de spécificité de ces tests, la présence de faux-positifs et de faux-négatifs et la capacité d’interprétation des résultats par les patients non avertis des limites de ces test. Sans compter que la conservation et le délai de réalisation de ces autotests peuvent induire de faux résultats, ainsi que la sortie du système de santé solidaire d’un certain nombre de patients diagnostiqués positifs qui hésitent sur les suites à donner à leur résultat. Des réserves sont également émises sur leur qualification en tant que tests diagnostiques. « Il s’agit de tests unitaires alors qu’un examen de biologie médicale comporte souvent plusieurs paramètres dont la combinatoire permet d’affirmer, d’infirmer ou de conforter un diagnostic », indique le Dr Fabre. Leur intérêt clinique réel est donc remis en question tout comme leur coût qui reste à la charge du patient.

Aucun rappel de lot possible

La biologiste Carole Poupon du Centre hospitalier de Gonesse souligne le paradoxe que suscite la mise à disposition en vente libre de ces autotests en pharmacie, alors que le contrôle des tests biologiques de diagnostic est de plus en plus poussé : « à l’heure où l’on demande aux LBM de s’accréditer, de rendre des résultats validés par un biologiste médical, c’est une aberration [de mettre en vente libre ces autotests]. La commercialisation des autotests en officine est un danger pour la santé des français. » D’autant qu’aucun suivi n’est possible, ni même un rappel de lots défectueux, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et la Haute autorité de Santé ne pouvant qu’émettre une mise en garde relative » sur la présence d’autotests défectueux, incitant le grand public à ne pas les acheter.

La lancette des autotests, un déchet DASRI

Par ailleurs, le décret datant du 30 septembre 2016, publié au Journal officiel, intègre les autotests de dépistage des maladies infectieuses transmissibles, notamment pour le VIH, dans la filière des déchets d’activités de soins à risque infectieux (Dasri) perforants. Les pharmaciens doivent donc remettre gratuitement un collecteur aux patients dont le traitement comporte l’usage de matériels ou matériaux piquants ou coupants et inciter les patients à remettre leurs déchets en officine ou dans un autre point de collecte Dasri (PUI, déchèteries, bornes, etc.). Or, il est très probable que parmi les utilisateurs intéressés par ces autotests, peu d’entre eux franchissent une seconde fois la porte d’une officine pour rapporter leurs déchets, a fortiori s’ils sont en marge du système de soins.

À suivre : un article plus complet sur les autotests dans le numéro de décembre 2016/Janvier 2017 de Biologiste infos. N’hésitez pas à nous transmettre vos remarques complémentaires sur ce sujet à contact.edp-biologie@edpsante.fr

Emilie Cler

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