Zika : le risque d’épidémie en Europe est limité

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Afin d’étudier les différents scénarii possibles d’introduction du virus Zika en Europe, des chercheurs de l’Institut Pasteur ont mesuré la compétence vectorielle de quatre populations de moustiques Aedes, circulant sur l’île de Madère et dans le Sud de la France.

Par Steven DIAI, publié le 27 avril 2016

Zika : le risque d’épidémie en Europe est limité

«Le risque de pandémie de Zika en Europe du Sud en 2016 paraît faible, ce qui n'exclut pas l'apparition d'un certain nombre de cas », a indiqué Jean-François Delfraissy, qui dirige l'Institut thématique coordonnant la recherche en microbiologie et sur les maladies infectieuses en France, suite à un colloque réunissant plus de 600 experts, organisé lundi à Paris par l'Institut Pasteur.

Les travaux des scientifiques suggèrent en effet que le moustique Aedes aegypti présent à Madère est plus enclin à soutenir une transmission locale du virus Zika qu’Aedes albopictus. Ceci suggère que les risques d’épidémie de Zika en Europe continentale demeurent limités.

Le virus Zika est un arbovirus de la famille des Flaviridae, transmis à l'homme par les moustiques du genre Aedes. Il a été à l’origine de plusieurs flambées épidémiques dans les îles du Pacifique Sud depuis 2007, et a atteint le Brésil en 2015. Aujourd’hui, il est présent dans plus de 34 pays d’Amérique latine et de la Caraïbe, affectant plus de 1,5 million de personnes. Corrélativement, le nombre de cas importés en Europe à partir du continent américain est, lui-aussi, en nette augmentation. Or, le moustique Aedes albopictus, présent dans 20 pays européens, et en France dans 30 départements, entrera en activité dès le mois de mai, quand les conditions climatiques seront favorables à son développement. Le risque d’une transmission locale du virus Zika en Europe est donc à craindre, et la question de la manière dont il pourrait être introduit sur le continent reste entière.

Le virus Zika en Europe pourrait être véhiculé par Ae. albopictus et/ou Ae. aegypti. De ce fait, deux scénarii d’introduction du virus ont été explorés. Le premier impliquerait les départements français d’Amérique, et les voyageurs y ayant séjourné, qui de retour en France, pourraient être la source de contamination pour Ae. albopictus du Sud de la France. Le deuxième scenario aurait pour point de départ l’île de Madère. Celle-ci entretient des échanges très importants avec le Brésil et le Venezuela. Le moustique Ae. aegypti, qui y est présent depuis 2005, a été impliqué dans l’épidémie de dengue de 2012, la plus importante des dernières flambées en Europe.

Pour éprouver ces deux scénarii, des chercheurs de l’Institut Pasteur, au sein de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs, dirigée par Anna-Bella Failloux, en collaboration avec des chercheurs portugais, ont évalué la compétence vectorielle, c’est-à-dire la capacité à transmettre le virus, de quatre populations de moustiques : deux populations d’Ae. aegypti de l’île de Madère, (Funchal et Paul do Mar de Madeira), et deux populations d’Ae. albopictus du Sud de la France (Nice et Bar-sur-Loup). Les scientifiques ont infecté les femelles de moustiques avec le virus Zika de génotype asiatique, équivalente à celle qui circule actuellement au Brésil.

Les résultats montrent qu’Ae.aegypti transmet mieux le virus qu’Ae. albopictus. Chez Ae.aegypti, le virus ne met que 9 jours à effectuer un cycle complet, et à atteindre les glandes salivaires de l’insecte, prêt à être inoculé à un nouvel hôte lors d’une piqûre. Ae.albopictus, lui, réalise ce même cycle en 14 jours, ce qui limite de manière conséquente sa transmission. Il semblerait ainsi que le moustique tigre du sud de la France, et probablement d’Europe continentale, soit moins capable d’assurer une transmission locale du virus Zika, ce que tendrait à appuyer l’hypothèse d’un scenario de transmission se limitant aux régions où Ae.aegypti est présent, soit l’île de Madère. Fréderic Simard, entomologiste de l'IRD, souligne toutefois « qu’un autre facteur à prendre en compte est la densité des moustiques et leur durée de vie (plus importante en ville où ils ont moins de prédateurs) qui peut compenser une faible capacité de transmission ». D’autres scénarii d’introduction ne sont donc pas à exclure, notamment par l’intermédiaire de voyageurs de retour des Jeux Olympiques en août prochain.

De son côté, l'OMS estime que « même si l'épidémie de Zika faiblit en Amérique latine, le virus pourrait se propager à des zones non encore infectées. » Le Figaro souligne quant à lui que des chercheurs de l'université d'Oxford (Angleterre) et de l'Institut de métrologie sanitaire et d'évaluation à Seattle (Etats-Unis) « ont réalisé une carte des régions où le virus pourrait se propager. Si l'Europe est épargnée, de nombreux pays tropicaux doivent rester vigilants ». Dans tous les cas, un renforcement de la surveillance et le contrôle des moustiques dès la détection des premiers cas importés devraient demeurer une priorité forte en Europe.

La rédaction avec l’Institut Pasteur, l'OMS et Le Figaro

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