Premières recommandations sur les hépatites virales

Rapport

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À l’occasion de la journée nationale de lutte contre les hépatites B et C, les professeurs Daniel Dhumeaux, Jean-François Delfraissy, Victor de Lédinghen et Pierre Czernichow ont rendu public le premier rapport de recommandations sur le dépistage et la prise en charge des personnes infectées par le virus de l’hépatite B ou C.

Par Steven DIAI, publié le 19 mai 2014

Premières recommandations sur les hépatites virales

« Il s’agit du premier rapport sur les hépatites virales, très proche dans son organisation de ceux qui sortent régulièrement sur le VIH. Il s’inscrit à un tournant de l’histoire des hépatites B et C, marqué par des progrès thérapeutiques majeurs et une révolution en cours dans le domaine de l’hépatite C », a déclaré le Pr Delfraissy, directeur de l’ANRS, qui a ouvert la conférence en soulignant le partenariat très étroit réalisé avec l’Association française pour l’étude du foie (AFEF) dans la réalisation de ce rapport. Celui-ci aborde les aspects relatifs aux hépatites B et C dans les domaines sanitaires, sociaux, éthiques et organisationnels, tels que définis dans la lettre de mission ministérielle. Marisol Touraine, actuellement à l’Assemblée mondiale de l’OMS à Genève a souligné, dans un communiqué, « l’importance de ce rapport » et a salué « l’implication du monde associatif dans ce travail. »

« 500 000 personnes sont infectées par les hépatites virales, 300 000 par l’hépatite B et 200 000 pour l’hépatite C. Il s’agit de maladies fréquentes avec un potentiel évolutif sévère, génératrices de cirrhose, cancer et à l’origine de transplantation hépatiques », a souligné le Pr Dhumeaux, hépatologue au CHU de Créteil.

Un dépistage encore trop faible des personnes infectées

« En France, il resterait encore entre 220 000 et 250 000 personnes infectées à identifier pour pouvoir être prises en charge et traitées », a indiqué le Pr Dhumeaux, coordinateur du rapport. Seules 50 % des personnes infectées par l’hépatite B et 60 % par l’hépatite C sont dépistées. « Il y a eu des progrès considérables dans la prise en charge et le traitement des personnes infectées », a indiqué le Pr Dhumeaux. Dans le domaine de l’hépatite B, 80 à 90 % des patients traités voient leur infection contrôlée. « Les traitements sont associés à une régression de la fibrose, à une prévention des carcinomes et à une diminution des transplantations hépatiques. » Dans le domaine de l’hépatite C, le traitement est curatif. « Le médicament est pris par voie orale et l’efficacité, quel que soit le type de patient traité est de 80%. Maintenant que nous disposons de traitements efficaces, il faut augmenter le dépistage. C’est une perte de chances considérable pour un patient de ne pas être dépisté et traité », a affirmé le Pr Dhumeaux.

Crédit photo : © EDP sciences

Les recommandations de dépistage de l’infection par le virus de l’hépatite B ou C ciblent actuellement en France uniquement les personnes exposées au risque d’infection. « La moitié des malades ont été reconnus via cette statistique. Mais il est possible d’améliorer le dépistage de personnes infectées en simplifiant la liste des items pour faciliter l’interrogation des patients par leur médecin », a expliqué le Pr Dhumeaux. Car avec cette stratégie, qui date de 2001, la proportion de personnes infectées par le VHB et VHC ne connaissant pas leur statut sérologique dans la population générale demeure élevée.

Les recommandations actuelles pour le dépistage des hépatites B et C sont les suivantes :

– Hommes et femmes ayant été transfusés avant 1992 ;

– Tous les sujets ayant eu des actes de soins invasifs avant les actes universels d’hygiène (1997) ;

– Toutes les personnes ayant séjourné longtemps dans des zones à forte épidémiologie ;

– Personnes ayant eu des tatouages, piercing, mésothérapies ou acupuncture, sans utilisation de matériel à usage unique ou personnel ;

– Les usagers de drogues par voie intraveineuse ou intranasale ;

– Les personnes ayant des relations sexuelles avec des partenaires différents (multi-partenariat sexuel).

Outre ces items, des études de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) ont permis d’identifier les populations de personnes non dépistées à fort risque d’infection. Elles recommandent :

– Le renforcement du dépistage ciblé : les hommes sont 4 à 5 fois plus touchés que les femmes par le VHB, les jeunes hommes sont également plus touchés que les jeunes femmes pour le VHC.

– Le dépistage systématique du VHB, VHC et du VIH au moins une fois dans la vie de toute personne âgée de 18 à 60 ans.

– Pour l’infection à VHB, le dépistage permet à la fois l’identification des personnes infectées et celle des personnes non immunisées ayant une indication à la vaccination. L’InVS préconise donc de détecter dès le 2e mois de grossesse l’ADN de l’antigène viral de surface AgHBs au lieu du 6e mois de grossesse, afin d’assurer une prise en charge plus précoce.

De nouveaux outils de dépistage

Outre les méthodes de référence, il existe désormais des tests rapides d’orientation diagnostiques (TROD) pour la détection des hépatites virales. « Nous disposons de TROD C validés depuis trois jours par la HAS et nous attendons la validation des TROD B », a précisé le Pr Dhumeaux. Ces tests devraient permettre de diversifier l’offre de dépistage et de proposer le dépistage sur les lieux fréquentés par le public cible, selon le rapport. « Les grands avantages de ces tests sont la rapidité de réalisation et d’obtention du résultat (30 min) et le prélèvement possible de salive ou au bout du doigt lorsque les prélèvements veineux sont difficiles », a commenté le Pr Dhumeaux.

Crédit photo : © EDP sciences (disponible à l’adresse suivante : http://www.edition-sciences.com/biologie-medicale.htm)

De son côté, Victor de Lédinghen, président de l’AFEF, a rappelé que l’évolution des infections hépatiques virales vers la cirrhose, le cancer ou la transplantation hépatique dépendait de facteurs de risques aggravants tels que l’alcool, le diabète, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, l’obésité, la surcharge pondérale ou le VIH. « Dans le parcours de soin du patient, il faudrait inclure la prévention contre ces autres fléaux », a-t-il déclaré.

« Les hépatites sont un problème de santé publique », a renchéri le Pr Pierre Czernichow, professeur au CHU de Rouen. « Ce poids ne vaut pas seulement par le nombre absolu de malades mais aussi par la répartition de ces maladies au sein de notre société. Elles touchent en effet des groupes spécifiques et des territoires particuliers. Il est pour cela important que le dépistage de ces maladies soit intégré dans les soins dont ces groupes de population ont l’habitude. Apporter sur place une proposition de test est un facteur d’acceptabilité important du test. Et le professeur de conclure : « La prise en charge doit être globale. »

EC

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